Journal d’un festivalier
Chorégies d’Orange, 12 juillet 2006
Chaque festival a son caractère, de sorte que pour le critique
en voyage, les spectacles se suivent mais ne se ressemblent pas. Ainsi,
après six jours passés à Aix en Provence,
devenu chaque année pour un mois le temple du lyrique BCBG et
où – on l’a vu dans les épisodes
précédents –, le meilleur côtoie parfois le
pire, nous voici reparti sur les routes de juillet en direction
d’Orange dont le Théâtre Antique accueille cette
année une Aïda
à grand spectacle. Celui qui n’a jamais
pénétré dans l’arène d’Orange
juste avant le début d’une représentation peut
difficilement imaginer l’émotion particulière
qu’une telle expérience procure. Le lieu est
réellement immense, impressionnant par ses dimensions et par sa
majesté, par son histoire aussi, et ce sont près de neuf
mille spectateurs amassés sur les gradins de pierre qu’il
faut affronter, une foule animée, colorée, effervescente,
qui crée d’emblée une ambiance de fête. Les
chorégies s’attachent chaque année à
présenter des spectacles populaires, offrent des dizaines de
milliers de places à prix doux et constituent un louable exemple
d’une politique efficace favorisant l’accès à
la culture pour le plus grand nombre.
Un tel lieu est, bien entendu, propice aux mises en scène spectaculaires, et Aïda,
opéra péplum entre tous, l’est également.
Charles Roubaud s’en donne donc à cœur joie ;
réunissant plus de deux cents choristes, danseurs ou figurants,
et animant le théâtre antique d’images vidéo,
il tire un excellent parti de la dimension colossale des lieux et
réussit quelques très beaux tableaux d’ensemble,
mais parvient aussi à créer les ambiances intimes
indispensables à l’évolution du drame et à
l’expression des états d’âme torturés
d’Aïda.
Le spectacle réunit une distribution prestigieuse, avec pour tête d’affiche Roberto Alagna,
brillantissime Radamès, aux moyens superlatifs, mais dont la
prestation un peu démonstrative masque sans doute les facettes
plus sombres du personnage à la fin de l’œuvre. La
jeune soprano américaine Indra Thomas,
port de reine et teint d’ébène, parfaite pour le
rôle, fut une Aïda altière, émouvante et
belle, même si la voix faiblit un peu en seconde partie. Marianne Cornetti (Amneris) n’est pas en reste, et le baryton coréen Seng-Hyon Ko, voix magnifiquement timbrée et diction impeccable, retient l’attention en Amonastro.
Avec l’Orchestre National de Lyon, Michel Plasson est parvenu,
par une direction très objective et à force de lenteur
dans les tempo, à maintenir tout son monde à peu
près en place, et à faire chanter en duo des chanteurs
parfois situés à cinquante mètres l’un de
l’autre. C’est une prouesse. La musique n’y trouve
pas toujours son compte, la force du drame en souffre un peu, mais
c’est sans doute le tribut à payer pour occuper un si
grand espace et toucher simultanément tant de spectateurs.
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