......
|
PARIS
10/04/2008
|
|
Véronique Gens
© DR |
Jean-Paul Fouchécourt
© DR |
Vive Offenbach !
Véronique Gens, soprano
Jean-Paul Fouchécourt, ténor
Susan Manoff, piano
Reynaldo Hahn (1875-1947)
« Nous avons fait un beau voyage » (Ciboulette, duo de Ciboulette et Antonin)
Quand je fus pris au pavillon
Trois jours de vendange,
A Chloris
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
El desdichado (duo)
Charles Gounod (1818-1893)
Envoi de fleur
Dites la jeune fille, où voulez-vous aller ?
Venise
Départ
Gabriel Fauré (1845-1924)
Pleurs d’or
Puisqu’ici bas toute âme
Tarentelle (duo)
Entracte
Jacques Offenbach (1819-1880)
« Quel murmure charmant » (Fantasio, duo Fantasio et Elbeth)
Le corbeau et le renard
« On me proposait d’être infâme » (La Périchole, air de la prison)
« Tu n’es pas beau » (La Périchole, air et couplet de l’aveu)
« Ah qu’il était doux mon beau rêve » (Le Pont des soupirs)
La cigale et la fourmi
« C’est le ciel qui m’envoie » (La belle Hélène, duo Hélène et Paris)
« Je sais que vous avez » (Madame l’Archiduc, duo Fortunato et Marietta)
Bis
Jacques Offenbach (1819-1880)
« Demain affiches nouvelles » (Belle Lurette)
Les Concerts Parisiens (Philippe Maillard Productions SARL)
Paris, Salle Gaveau, le 10 avril 2008 à 20h30
|
Duo sur canapé
Tous les chemins mènent à Offenbach, même ceux de
la musique baroque. On l’a vérifié en 1997 avec
Marc Minkowski et son Orphée aux enfers
qui, chauffé aux rigaudons et aux menuets de la tragédie
lyrique, redonnait à l’opéra-bouffe une vigueur
nouvelle. Jean-Paul Fouchécourt et Véronique Gens,
sublimes Hippolyte et Aricie par ailleurs, s’y dévoilaient
sous un autre jour ; lui, Aristée mignard et malsain, elle
plus en retrait – le rôle de Venus est secondaire –
mais d’une saine gourmandise.
On les retrouve onze ans après sous l’égide du
même compositeur dans un récital auquel la dimension
confidentielle et les sièges safranés de la Salle Gaveau
donnent la tonalité recherchée, celle d’un salon de
la belle époque. Sur la scène, à côté
du piano, un canapé, des fauteuils, une table sur laquelle est
servi le thé ; le décor est planté, pour
l’atmosphère d’ailleurs plus que pour la
scénographie : les tours de chant ne tiennent pas compte de
l’installation et se font debout près du piano comme
à l’habitude.
Annoncé tambour battant par un « vive
Offenbach ! » trompeur, le programme s’autorise
un long détour par la mélodie française avant
d’entrer dans le vif du sujet. Gounod, Fauré, Hahn,
Saint-Saëns (même si l’unique titre qui le
représente, El desdichado,
boléro désopilant à deux voix, ne relève
pas du même esprit), autant de miniaturistes dont l’art
délicat trouve en nos deux chanteurs des interprètes
accomplis avec, dans un cas comme dans l’autre, une diction
parfaite et un sens de l’expression qui font de chacune de ces
petites pièces de vrais moments de théâtre.
Véronique Gens surtout séduit là où on l’attendait moins que son partenaire (les talents de diseur de Jean-Paul Fouchécourt,
« irrésistible brûleur de planches »
selon le critique Charles Sigel, ne sont plus à
démontrer). On savait la voix belle mais on la pensait à
tort placide (plus qu’une idée reçue, l’effet
sans doute de comtesses trop alanguies entendues par le passé).
Les trois mélodies de Reynaldo Hahn, saisies avec justesse, sans
excès de dramatisme (trois jours de vendange) ou de pudeur (A Chloris),
dessinées dans leurs moindres contours, plus que ciselées
d’ailleurs véritablement vécues, prouvent le
contraire.
Par comparaison, les Gounod de Jean-Paul Fouchécourt souffrent
presque d’un excès de maniérisme, d’une
absence de contours en tout cas. Le timbre est fatigué et puis
la tessiture d’un ténor dans ce répertoire
n’a pas la même densité que celle d’un
baryton. Il faut avouer qu’on a Gérard Souzay dans
l’oreille (Venise).
La deuxième partie confirme l’impression laissée
par la première. Comme celui de Gounod, Hahn ou Fauré,
l’esprit d’Offenbach est là : l’humour
mais aussi la tendre mélancolie qui ombre sa musique. Les deux
chanteurs, dont l’articulation et la justesse de
l’interprétation font toujours merveille, achèvent
de régler leur numéro de duettiste à la Dubout
(leur différence de taille participe à l’effet
comique) dans les grandes scènes de La Périchole et de la Belle Hélène et de manière encore plus cocasse dans Le corbeau et le renard (Le ténor y essaie à chaque fois d’avoir le dernier mot sur la soprano).
Véronique Gens,
par le flegme, l’élégance et un côté
« feu sous la glace », n’est pas sans
rappeler Felicity Lott, avec une toute autre ampleur vocale cependant.
Les rôles d’Hélène et de La Perichole,
taillés à la mesure d’Hortense Schneider,
c’est-à-dire dans un registre intermédiaire entre
mezzo et soprano, ne lui posent pas de problème dans le grave et
le medium, chauds et sensuels. L’aigu paradoxalement semble un
peu court.
Jean-Paul Fouchécourt
ne se montre pas aussi à l’aise dans les habits de Paris
et de Piquillo, cousus main pour José Dupuis. Défaut non
pas de souplesse (les vocalises sur « devine » et
« divine » dans le duo du rêve sont des
broderies, le « je geins » de l’air de la
prison impayable) mais de brillance et d’éclat. Reste un
« Ah qu’il était doux mon beau
rêve » du Pont des soupirs, joliment suspendu, qui ne fait tout de même pas oublier celui de William Matteuzzi (1).
Un seul bis, lourd de sens (« Demain affiches nouvelles, Aujourd’hui plus rien à voir.
Adieu, les amis, adieu, bonsoir ! On va souffler les chandelles »), extrait de Belle lurette,
conclut la soirée. C’est un peu bref quand un bon nombre
de numéros, puisés dans le catalogue d’Offenbach
(vive lui !), auraient pu faire des applaudissements finals sinon
un triomphe du moins un succès plus franc.
Christophe Rizoud
_____
(1) Ferme tes yeux, Opera rara
|
|