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PARIS
19/03/2008
Christophe Dumaux (Orlando) ici dans la version scénique donnée à Tourcoing (1)
© DR Atelier Lyrique de Tourcoing
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
ORLANDO
Opéra en trois actes
Livret adapté de Capece d'après Orlando furioso de l'Arioste (1516)
Créé à Londres au King's Theatre Haymarket le 27 janvier 1733
Orlando Christophe Dumaux
Angelica Elena de la Merced
Medoro Jean Michel Fumas
Dorinda Yvette Bonner
Zoroastro Alain Buet
La Grande Ecurie et la Chambre du Roy
Direction musicale Jean-Claude Malgoire
Mercredi 19 décembre 2008,
Théâtre des Champs-Elysées, Paris
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Soyosn fous !
Dans la trilogie de l’Arioste que composa Haendel, Orlando
tient une place de choix. Tout d’abord en raison de la richesse
de sa partition et de son audace : en effet, le Saxon
n’hésite pas dans la grande scène de folie du 2nd
acte à utiliser du 3/8 cher à Bartók, coupe
allégrement les da capos, introduit cors et violes
d’amour. Pour sa résonnance historique ensuite puisque
Orlando était en passe de perdre Senesino et l’enceinte du
King’s Theatre devant les cabales de l’Opéra de la
Noblesse.
En dépit de l’absence de mise en scène, Christophe Dumaux incarne pleinement le paladin fou. Fidèle à ses habitudes de bad boy,
il interprète le mythe de l’amoureux éperdu sous le
prisme de l’adolescent gâté, furieux qu’on lui
résiste. Dans un jeu instable et cruel, digne d’un parfait
Néron du Couronnement de Poppée,
le contre-ténor mitraille les vocalises du « Fammi
combattere », halète dans « Vaghe
pupille », ornemente à qui mieux mieux. Devant tant
de changements de métrique et de débordements apparemment
spontanés, on en vient à se demander comment Jean-Claude
Malgoire parvient (tant bien que mal) à suivre le chanteur avec
son opulent ensemble. Le souffle est court mais héroïque,
jetant les notes plus que les posant, sauf dans
un « Già l’ebro moi ciglio »
poétique très justement plébiscité par le
public. Angélique, marquise des anges, subit également un
relifting psychologique - qui semble d’ailleurs plus dû
à la forte personnalité des chanteurs et leurs dons
d’acteurs qu’à une volonté
délibérée du chef. Exit
la fade princesse tiraillée entre sa passion pour Médor
et la reconnaissance polie qu’elle doit à son sauveur. Elena de la Merced,
très « Danielle de Niese » cette
soirée-là, y compris dans les mimiques, a
décidé de faire de son personnage une ravissante coquette
écervelée. Son timbre corsée mais délicat,
la transparence veloutée de ses aigus et la souplesse de ses
articulations sont admirables, et dégagent une troublante
sensualité dès le « Chi possessore e del moi
cor ».
En revanche, il faut avouer que les seconds rôles sont moins bien
servis, et l’on ne suivra pas Angelica dans sa
préférence pour Medoro. Puissant et stable,
l’organe de Jean-Michel Fumas
possède bien des atouts. Hélas, en dehors d’un
« Verdi allori » inspiré, le
contre-ténor au timbre proche d’Axel Köhler
s’est montré appliqué, se contentant d’une
lecture terne et froide. A l’inverse, la bergère Dorinda
d’Yvette Bonner, à
l’enthousiasme cru et au chant trop brut donne l’impression
de se ruer à travers les mesures sans suffisamment de nuances.
Le phrasé et sommaire, les effets à pleine voix
d’abord impressionnants finissent par devenir agressifs. Ce
n’est pas tout de crier, un murmure sait parfois bien mieux
flatter l’oreille et toucher le cœur. Cela est
d’autant plus dommage que la voix est bien timbrée et
agile. Enfin, Alain Buet prête son timbre rocailleux très
« baroque italien du début du XVIIème
siècle » au mage Zoroastre. Si la basse n’a
probablement pas la profondeur du légendaire Montagnana pour qui
le rôle fut taillé sur mesure et n’ornemente que de
manière spartiate, le chant est stylé, mesuré et
élégant.
A la baguette, Jean-Claude Malgoire
dirige avec sa décontraction et sa
générosité habituelles. La direction est souple,
plus suggestive qu’autoritaire ; un vent de joyeuse
liberté souffle dans la fosse. La pâte orchestrale dense,
épaisse, cohérente, met en avant les cordes et notamment
les excellents violoncellistes. Peut-être le chef aurait-il pu
doubler les hautbois et bassons pour plus d’équilibre et
de couleur. Les tempi sont
mesurés, même si le chef se laisse désormais aller
à des contrastes plus marqués qu’autrefois, et
autorise même les da capos
fleuris qu’il avait en horreur il y a une dizaine
d’années. L’admirable trio « Consolati
bella » est même enchaîné trop
rapidement, capturant l’ironie de la situation au
détriment de la musicalité qu’un William Christie
caressait. En définitive, la chanson de Roland a encore de beaux
jours devant elle, et l’on se plaît à la fredonner
en si bonne compagnie.
Viet-Linh NGUYEN
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