C O N C E R T S 
 
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BADEN-BADEN
03/12/04
LuanaDeVol
Richard Wagner (1813-1883)

Wagner-Gala

Parsifal, acte II (version concertante)
Parsifal - Endrik Wottrich
Kundry - Luana DeVol
Klingsor - Hartmut Welker
Les Filles Fleurs : Fionnuala Mc Carthy, Andion Fernadez, Ulrike Helzel,
Heike Grötzinger, Gudrun Sieber, Yvonne Wiedstruck

Die Walküre, acte III (idem)
Brünnhilde - Linda Watson
Wotan - Robert Hale
Sieglinde - Susan Anthony
Les Walkyries : Yvonne Wiedstruck, Lucy Peacock,
Ulrike Helzel, Katja Boost, Julia Bochert,
Heike Grötzinger, Andion Fernandez,
Cheri Rose Katz

Choeur et Orchestre du Deutschen Opera Berlin
direction musicale Christian Thielemann
 

Baden-Baden, Festspielhaus,
3 décembre 2004


Après de superbes représentations de Parsifal et une version concertante de Rheingold sur instruments anciens en août dernier (voir notre compte-rendu), le Festspielhaus de Baden-Baden continue à vouloir s'imposer comme un scène wagnérienne de première importance avec deux concerts présentant des actes d'opéras du maître de Bayreuth en version de concert et dirigés par Christian Thielemann.

Nous avons assisté au premier d'entre eux. Le programme était assez original puisqu'à l'habituel premier acte de Walküre était préféré le troisième, auquel on a associé le deuxième de Parsifal. La distribution était alléchante et présentait des personnalités émergentes (Susan Anthony, Endrik Wottrich) à côté de valeurs sûres (Linda Watson, Robert Hale). C'est pourtant la doyenne de l'équipe, Luana DeVol, qui remporta tous les suffrages. L'immense talent de cette artiste trouve toute sa mesure dans le répertoire germanique.

Après une extraordinaire Elektra à Strasbourg il y a 2 ans, la voici campant une Kundry d'anthologie. Rarement on aura entendu absolument toutes les notes et tous les mots de ce rôle. La netteté du chant et la prononciation laissent en effet pantois. A cela s'ajoutent un sens des nuances admirable (la chanteuse n'abuse jamais de la puissance de sa voix) et une implication dramatique extraordinaire. On pourra certes regretter des aigus plus tranchants tels ceux dont Waltraud Meier nous gratifia ici même en août (le stupéfiant si aigu sur "Lachte" à la fin du deuxième acte). Mais c'est là bien peu de choses quand on reçoit tant d'adrénaline, et de plus, dans une version de concert. Immense triomphe pour la chanteuse aux saluts.

Parsifal n'était autre que celui qui tient le rôle en ce moment à Bayreuth, Endrik Wottrich. Doté d'une voix barytonale, dont on pourrait peut-être attendre des aigus plus lumineux, son Parsifal a de la prestance et ne démérite nullement devant le monstre sacré Luana DeVol.

Hartmut Welker, qui fut un superbe Alberich à Bayreuth, nous offre un magnifique Klingsor. Il confère une véritable épaisseur au personnage, le chant est là encore net et la prononciation impeccable.

Si l'on ajoute à cela une superbe équipe de filles fleurs, on pourrait penser que le bonheur eut été total. Hélas, c'était sans compter avec Christian Thielemann dont la direction lénifiante ne donne absolument aucun relief, aucune urgence dramatique à un acte qui ne manque pourtant pas de contrastes et de revirements. Le discours défile ainsi de manière désespérément plate et uniforme et l'orchestre, visiblement tétanisé, ne sonne absolument pas. Au moins saura-t-on gré à Thielemann d'être très attentif aux chanteurs (ce n'est pas si courant dans le milieu de l'opéra) ou de soigner quelques traits de l'écriture orchestrale, mais cela ne suffit pas pour rendre sa lecture suffisamment intéressante.

Lorsque débute, après l'entracte, la célébrissime "Chevauchée des Walkyries", on a l'impression que ce n'est plus le même chef qui dirige. Voici enfin du relief, de la vie, voire de l'urgence dramatique. Aucune lourdeur dans un discours clair et qui avance et l'orchestre sonne enfin, un vrai bonheur ! Les Walkyries sont absolument admirables, notamment les premières sopranos aux voix bien projetées, épanouies et aux aigus sûrs.

La (très) blonde Susan Anthony campe une fort belle Sieglinde dont la timbre fait parfois penser à celui de Leonie Rysanek avec des aigus mats, dont, pour notre part, nous regrettons qu'ils ne s'épanouissent davantage.

Avec Linda Watson en Brünnhilde, nous avons droit à un professionnalisme impeccable. Rien à reprocher, si ce qu'on regrette peut-être ce "plus" qui fait les grandes incarnations... Décevant, par contre, le Wotan de Robert Hale, dont la voix manque de puissance et, là encore, de personnalité.

En outre, la direction de Christian Thielemann (à la gestique brutale très particulière) redevient au fil de l'acte bien molle, parfois un peu écoeurante avec des rallentendo à la limite du mauvais goût, et que l'orchestre affiche des insuffisances surprenantes et peu excusables à ce niveau (plusieurs fausses notes à découvert de la clarinette basse par exemple), la déception gagne progressivement l'auditeur.

On retiendra donc surtout de cette soirée la mémorable Kundry de Luana DeVol, qui, à elle seule, valait le déplacement.
 
 

Pierre-Emmanuel LEPHAY
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