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MARIA
Cecilia BARTOLI, Mezzo soprano
Giovanni Pacini
« Se un moi desir … Cedi al duol et Ira del ciel »
extrait de Irene o l’assedio di Messina
Giuseppe Persiani
« Cari Giorni » extrait de Ines de Castro
Felix Mendelssohn
« Infelice »
Scena ed Aria, version de Londres
Manuel Garcia
« Yo que soy contrabandista »
extrait de El Poeta Calculista
Vincenzo Bellini
« Ah ! Non credea mirarti - Ah ! Non Giunge » (Amina)
extrait de La Sonnambula
Johann Nepomuk Hummel
Air à la Tyrolienne avec variations
Manuel Garcia
« E non lo vedo … Son regina »
(Semiramide) extrait de La Figlia dell’aria
Maria Malibran
Rataplan
Giovanni Pacini
« Dopo tante e tante pene » pour Tancrède de Rossini
Vincenzo Bellini
« O Rendetemi la speme … Qui la voce - Vien, diletto »
(Elvira) extrait de I Puritani Version Malibran
Jacques Fromental Halévy
« Come dolce a me favelli » extrait de Clari
Lauro Rossi
« Scorrete, o lagrime »
extrait de Amelia ovverro otto anni di costanza
Maria Malibran
« Prendi, per me sei libero » (Adina)
pour l’Elisir d’Amore de Donizetti
Vincenzo Bellini
« Casta Diva » extrait de Norma
Orchestra La Scintilla
Adam Fischer (chef d’orchestre)
International Chamber Soloists
Jürg Hämmerli (chef de chœur)
Maxim Vengerov (violon)
Celso Albano (ténor)
Luca Pisaroni (basse-baryton)
CD Decca
Viva Maria… et viva Cecilia !
Cet album est évidemment l’un des événements de la rentrée.
Evénement marketing d’abord… Decca a
déployé le grand jeu pour la promotion ! On a
donc droit à des photos « glamour », des
clips « branchés »… Decca propose
même une version « Super deluxe » avec un
livre de 200 pages regroupant des photographies d’objets ayant
appartenu à La Malibran et faisant partie de la collection
personnelle de Cecilia Bartoli !
Devant cette traditionnelle livrée bisannuelle de Cecilia,
on serait tenté de dire encore un album
thématique… A quand des intégrales (1) ?. On sort
cependant ici du schéma de ses précédents albums,
constitués autour d’un compositeur (Vivaldi, Gluck, Salieri) ou d’une période (Opera Prohibita).
L’héroïne ici c’est Maria Felicia Garcia, dite
La Malibran, le but avoué de l’album étant de faire
revivre le répertoire de la mythique prima donna.
On se demande d’abord au vu du contenu si ce ne serait pas un
simple prétexte pour justifier un album, au premier regard
hétéroclite : mélange de
« tubes » (Norma, La Somnambule…)
et de « découvertes » chères
à la cantatrice (huit des œuvres regroupées
constituant des enregistrements en première mondiale).
Pourtant on sent Cecilia Bartoli sincère dans son admiration de
cette célébrissime aînée, adulée par
Rossini et Bellini ; sa fameuse collection des objets ayant
appartenu à la Diva (2) en apporte la preuve.
Mais venons en au principal : alors, réussi cet album ?
Sans hésitation, oui ! Et par plus d’un aspect.
D’abord, la cantatrice a su s’entourer d’un écrin somptueux, l’Orchestra La Scintilla,
ensemble issu de l’orchestre de l’Opéra de Zurich,
qui joue sur instruments d’époque. Sous la direction
inspirée d’Adam Fischer, il sait se faire tour à
tour élégiaque ou au contraire puissant et ardent
(deuxième partie de La Scena
de Mendelssohn). Maxim Vengerov apporte lui une belle présence
dans la scène de Mendelssohn, reconstituant ainsi le couple de
la création, La Malibran et son amant, le violoniste belge
Charles de Bériot. On notera aussi les interventions fugaces
mais efficaces de Luca Pisaroni dans le trio d’I Puritani. Seule la prestation du ténor Celso Abano dans les extraits de Somnambula et I Puritani est un peu en retrait.
Ensuite, le programme est très intelligemment construit. Au vu
de la variété du programme, cela aurait pourtant pu
donner : Cecilia sait chanter le yodle (Air à la tyrolienne
et variations), mais Cecilia sait aussi chanter le flamenco
(« Yo que soy contrabandista ») ainsi que les
grands airs du répertoire (« Casta
diva »).
Les morceaux et compositeurs choisis vont du charmant
(« Rataplan » de Maria Malibran, en
français s’il vous plaît) au merveilleux (les Bellini
évidemment !), mais surtout alternent avec un rare bonheur
les genres et les climats. On passe ainsi d’un extrait
d’opéra de Manuel Garcia père tiré
d’une chanson traditionnelle espagnole, plutôt flamenca,
à une grande scena « Infelice »,
équivalent chez Mendelssohn du « Ah !
Perfido ! » de Beethoven. Ces alternances, ainsi que la
science de l’interprète, permettent
d’échapper à toute impression de monotonie, qui est
souvent l’écueil de tels albums récital.
A côté des séduisantes mignardises (Yo que soy contrabandista, la Tyrolienne ou encore le Rataplan)
les « découvertes » ne sont pas toutes du
même intérêt. Pour une scène de facture
classique mais d’une grande puissance dramatique (3), on a par
exemple droit à un air alternatif au « Prendi pe me
sei libero » de l’Elisir d’Amore, écrit par La Malibran elle-même, dont le rondo
tout rossinien mais d’une virtuosité un rien vaine nous
fait regretter l’émotion plus simple de l’air
original.
Mais évidemment ce qui fait tout le prix de cet album,
c’est La Bartoli. La cantatrice est au sommet de sa forme.
L’écriture virtuose de la Tyrolienne nous démontre
que sa virtuosité légendaire est toujours intacte,
longueur de souffle, maîtrise du chant orné, des
trilles… La tessiture très étendue des morceaux
réunis ne lui pose pas de problème (la voix est
homogène jusque dans le grave), pas plus que les sauts
d’octave.
On note surtout un timbre d’un grand velouté dans le
medium, débarrassé d’ailleurs des quelques
duretés que l’on remarquait parfois dans les
enregistrements studio de Cecilia Bartoli (4).
Mais cette technique impériale est surtout au service de
l’expressivité. D’aucuns pourront trouver
l’interprétation sur-jouée… mais
personnellement j’ai rarement entendu un sourire aussi
éclatant dans la voix d’Amina lorsqu’elle entonne sa
cabalette « Ah ! non giunge ».
Et même les morceaux les plus connus, qui favorisent le jeu des
comparaisons avec d’autres illustres interprètes, ne se
retournent pas contre la cantatrice. L’Amina est d’une
pudeur magnifique dans le « Ah ! non credea
mirarti », le « Casta diva » est
rêvé… et surtout les cadences et variations dans le
grave de la tessiture et un timbre plus charnu qu’habituellement changent le caractère de ces airs si
souvent rebattus.
Alors évidemment tout n’est pas parfait dans ce disque, la voix perd un peu de son moelleux dans les forte,
on retrouve quelques tics d’interprétation, un souffle qui
malmène parfois un peu la ligne (mais à des fins
expressives)…
Mais on sent un tel bonheur de chanter qui irradie de ce disque, que
l’on se laisse porter sans arrière-pensée et on se
dit que La Malibran reçoit ici un bien bel hommage.
Il nous reste alors plus qu’à nous exclamer : Viva Maria… et viva Cecilia !
Antoine BRUNETTO
Notes
(1) Une Somnambula est cependant annoncée chez Decca, avec Juan Diego Florez.
(2) Une exposition ambulante est d’ailleurs organisée dans toute l’Europe.
(3) Air et strette extraits de Irene o l’Assedio di Messina de Pacini.
(4) Doit-on en remercier en les ingénieurs de chez Decca ?
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