BRAHMS - WAGNER - MAHLER
Stephanie Blythe
Johannes Brahms (1833-1897)
Alt Rhapsody Op 53
Pour contralto, choeur d'hommes
et orchestre
Richard Wagner (1813-1833)
Orchestration de Hans-Werner
Henze
Wesendonck Lieder
Der Engel - Stehe still - Im
Treibhaus - Schmerzen - Traüme
Gustav Mahler (1860-1911)
Orchestration d'Arnold Schönberg
Das Lied von der Erde : Der
Abschied
Stephanie Blythe, contralto
Ensemble vocal A sei voci
Bernard Fabre Garrus, direction
Ensemble Orchestral de Paris
direction John Nelson
1 CD Virgin Classics n°7243
5 45702 2 3
durée 60'08
RENDEZ-VOUS MANQUÉ...
La contralto américaine Stephanie Blythe semble décidément
ne pas avoir de chance avec le disque. Déjà son précédent
enregistrement d'airs de Haendel et de Bach,
paru également chez Virgin, avait, malgré ses qualités,
suscité quelques réserves. Celui-ci risque de carrément
décevoir. Non que les moyens vocaux fassent défaut, bien
au contraire. Incontestablement, cette artiste a une voix, et quelle voix
: large, riche, colorée et chaude ! Elle l'avait pleinement démontré
par sa formidable prestation dans le rôle de Cornelia de Giulio
Cesare en 2002 à Garnier.
Le problème est qu'elle s'attaque cette fois à trois monuments
du répertoire vocal allemand post-romantique, dont deux ont été
immortalisés par l'immense Kathleen Ferrier. Nous ne voulons pas
laisser entendre par là que ces oeuvres ne peuvent plus être
chantées par quiconque, bien sûr, car ce répertoire
doit vivre grâce à de nouveaux interprètes, comme tous
les autres, d'ailleurs ; mais simplement que la prestation de Ferrier les
avait hissés à un tel niveau qu'il convient désormais
de les aborder avec prudence, faute de quoi toute nouvelle interprétation
risque de souffrir de manière cruelle de la comparaison. Si l'on
ajoute que les Wesendonck Lieder ont été enregistrés
précédemment par rien moins qu'Astrid Varnay, Kirsten Flagstad,
Christa Ludwig, Janet Baker et Jessye Norman, pour ne citer que celles-là,
on comprendra que le résultat obtenu ici s'avère bien frustrant.
Malgré la splendeur de son timbre et une incontestable musicalité,
Blythe ne semble pas, à ce stade de sa carrière, à
même de livrer une interprétation convaincante de pages aussi
complexes, à la fois subtiles et puissantes. A aucun moment, cette
artiste ne semble réellement concernée et habitée
par ce qu'elle chante, ce qui est un comble lorsqu'on songe à la
charge émotionnelle et tragique de ces oeuvres. Il est vrai qu'elle
n'est guère aidée par l'orchestre, qui semble aussi peu inspiré
qu'elle et livre une lecture assez "étriquée", renforcée,
il est vrai, par le fait que John Nelson ait opté pour des versions
"de chambre".
D'ailleurs, on peut s'interroger sur le choix de l'orchestration de
Hans-Werner Henze pour les Wesendonck Lieder et de celle d'Arnold
Schönberg pour Der Abschied. Avec une artiste dotée
de moyens aussi généreux, les versions originales de ces
oeuvres, prévues pour un orchestre plus étoffé, auraient
certainement mieux convenu, en permettant au moins à l'interprète
de déployer une magnificence dont l'auditeur se retrouve, pour le
coup, en partie privé. Et il est même probable que Blythe,
face à une formation plus conséquente, aurait donné
plus libre cours à un tempérament dont elle n'est pas exempte.
Comme nous l'écrivions à propos du premier
enregistrement de la jeune mezzo-soprano Alice Coote, pourtant très
prometteur, le choix de ce programme, qui place la tonalité générale
du disque sous le signe de la solitude, de la passion et du désespoir
lié à l'adieu, est déjà une erreur : trop lourd,
trop ambitieux, en un mot trop risqué, surtout pour une première
approche. Des oeuvres moins connues, un peu plus "légères",
moins pathétiques eussent été plus adéquates.
Il serait regrettable qu'après avoir tenté de faire de
Stephanie Blythe la "nouvelle Marilyn Horne" (ce qu'elle n'est pas, peu
s'en faut, surtout quand on compare son "Iris Hence Away", aux vocalises
assez approximatives, avec celui de son auguste modèle) on veuille
à tout prix lui faire endosser la douloureuse identité de
l'inoubliable Kathleen Ferrier. Le résultat pourrait être
lourd de conséquences et fort dommageable pour sa carrière,
pourtant bien commencée par ailleurs (Elle chante en ce moment Edvige
dans la Rodelinda du Met).
Souhaitons que le prochain rendez-vous, qu'on espère plus avisé,
soit enfin le bon !
Juliette BUCH
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