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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

L'Enlèvement au Sérail

Singspiel en 3 actes KV 384, 
sur un livret de Gottlieb Stephanie der Jüngere,
d'après Christoph Friedrich Bretzner

Constance : Edita Gruberova
Belmonte : Francisco Araiza
Osmin : Martti Talvela
Blonde : Reri Grist
Pedrillo : Norbert Orth
Pacha Selim : Thomas Holtzmann
Choeurs et Orchestre de l'Opéra de Bavière
Direction musicale : Karl Böhm

Mise en scène : August Everding
Décors et costumes : Max Bignens
DVD Video Deutsche Grammophon 0040 073 4075


Un Enlèvement qui vous transporte 

Depuis 2004, DG semble souhaiter résoudre le problème de la crise du disque en multipliant les parutions de DVD. Parmi les nouveaux Tristan, Meistersinger, Nabucco et autres Don Giovanni, on peut également remarquer quelques rééditions : par exemple Otello et Carmen par Karajan, Le Barbier de Séville par Abbado et Ponelle, qui met aussi en scène les Noces de Figaro dirigées par Karl Böhm, tous 4 en studio, le Ring légendaire selon Boulez et Chéreau à Bayreuth, et donc, ce présent Enlèvement.

La distribution qui avait été réunie à l'Opéra de Bavière est idéale. Gruberova, lumineuse, nous offre une Constance de grande classe, tandis que son Belmonte est incarné avec tout ce qu'il faut de fougue et de langueur à la fois par Francisco Araiza qui à 29 ans, n'était cependant pas tout à fait au sommet de sa maîtrise. Osmin (Talvela) est bête et amusant, peu subtil (force est de constater que son rôle ne s'y prête guère) mais vaillant, même dans les redoutables graves de sa partition. Reri Grist est une Blonde "so british", tête à claque qui n'est pas sans rappeler Mary Poppins, qui de plus s'avère être une bien fine mozartienne , autant que son amant Pedrillo, campé avec ruse et truculence par Norbert Orth. Thomas Holtzmann, quant à lui, sait trouver les non-dits et les émotions contenues qui donnent à Selim toute sa grandeur. Ces merveilleux interprètes, qui ont tout compris, (ou presque) vocalement comme scéniquement, à la verve mozartienne et aux charmes de cette "turquerie", légitimeraient à eux seuls l'acquisition de ce DVD. Et pourtant, le triomphateur de cette soirée n'est pas parmi eux. Il se trouve dans la fosse.

Car Karl Böhm, en 1980, est une légende vivante. Au début pourtant la peur s'installe, lorsque nous voyons progresser dans la fosse, sous les ovations d'un public conquis d'avance, un fragile vieillard, octogénaire depuis 6 ans, et qui, un an plus tard, devait mourir. Mais une fois la baguette levée, le charme opère, la musique s'élève, avec joie de vivre et sérénité. Avec harmonie. Quel chef, aujourd'hui, peut se targuer d'avoir trouvé le juste milieu, la science des équilibres dont Böhm fait son miel ? Qui, actuellement, peut à ce point rendre justice autant à la formidable énergie de Mozart qu'à la remarquable plénitude dont il use dans toutes ses grandes oeuvres ? Tout simplement des artistes pouvant se compter sur les doigts d'une main, ni plus, ni moins nombreux qu'en 1980, il y a 25 ans. 

Alors certes, on pourra chipoter sur le spectacle d'August Everding, jouant davantage sur la fonctionnalité des décors (des panneaux coulissants, prenant la forme de murs, de tours, de palais mauresques, réglant les espaces avec une belle précision), et sur l'efficacité des gags (des cordes de potence descendant par dizaine des cintres lorsque Osmin prépare sa vengeance au IIIème acte, ou encore Norberth Orth portant le monumental Martti Talvela sur son dos, valent tout de même la peine d'être vu !), que sur la cohérence et la lisibilité d'une direction d'acteur qui, prometteuse aux premières scènes du premier acte, décline peu à peu dans la soirée. Certes, les amateurs d'images hautes définitions risquent de rester sur leur faim (bien qu'ont ait vu pire pour des documents de cet âge-là). Ici, l'indulgence sera de rigueur : se priver d'une telle distribution, et surtout d'un tel chef qui gagne à être vu tant l'âge et la maladie n'ont pas eu de prise sur son génie, serait bien dommage.
  


Clément TAILLIA




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