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Benjamin BRITTEN
PETER GRIMES
Christopher Ventris Peter Grimes
Emily Magee Ellen Orford
Alfred Muff Captain Balstrode
Liliana Nikiteanu Auntie
Sandra Trattnigg Niece 1
Liuba Chuchrova Niece 2
Rudolf Schasching Bob Boles
Richard Angas Swallow
Cornelia Kallisch Mrs Sedley
Martin Zysset Horace Adams
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Zürich
Franz Welser-Möst
David Pountney mise en scène
Robert Israel décors
Marie-Jeanne Lecca costumes
Durée : 150 min
Enregistré en décembre 2005 à Zürich
2 DVD EMI 5 099950 097197
L’esprit de troupe
Britten trouverait-il son salut (discographique) avec le DVD ? Peu
enregistrés, ses opéras connaissent pourtant grâce
à ce support un retour inespéré auprès des
mélomanes. Après un fascinant Turn of the screw de Luc Bondy et un onirique Midsummer’s night dream de Robert Carsen, le présent Peter Grimes,
bien que moins abouti, pourra à plus d’un titre servir
d’introduction idéale à l’univers du
compositeur britannique.
D’abord parce qu’à Zürich, s’il y a du
bon et du moins bon, au moins il y a ce que peu de maisons
d’opéra de ce niveau ont encore : une troupe et un
esprit de troupe. Une troupe où tous, même les têtes
d’affiche, se connaissent. Une troupe dans laquelle tous peuvent
évoluer en toute confiance et osent prendre des risques. Et dans
un ouvrage tel que Peter Grimes, qui fourmillent de second rôles qui donnent tout son poids au drame, cet esprit de troupe est indispensable.
Ici, ce sont des silhouettes, des démarches, des attitudes qui
soulignent l’omniprésence d’une
société prompte à juger et à condamner.
Individualisation renforcée par la caméra de Felix Breisach
qui scrute les individus même dans les scènes de foule.
Sans être trop présents, les accessoires et les costumes
dessinent une société anglaise – pour ne pas dire
anglicane – conservatrice, étouffante, voire voyeuriste,
face à un Grimes marginal et d’autant plus touchant par sa
seule différence.
Dans le rôle du pêcheur solitaire, Christopher Ventris est une fois encore d’une présence scénique remarquable. Ceux qui ont vu son Sergeï dans la Lady Macbeth
de Chostakovitch savent ce que « bête de
scène » veut dire. Tour à tour violent,
bourru, inquiétant, tendre, il est, avec l’Ellen toute de
douceur maternelle d’Emily Magee,
la seule touche d’humanité dans ce drame de la
déshumanisation. Face à eux, un tourbillon de personnages
hauts en couleur parmi lesquels on retiendra le trio
déjanté formé par Auntie et les deux
nièces.
Fallait-il alors, lorsque les personnages suffisent à remplir et
nourrir la scène, choisir une scénographie qui ne fait
qu’alourdir le plateau de chaises, de piliers et de mâts en
tout genre ? Peut-être est-ce ce qui risque de perdre le
plus le spectateur, malgré une direction d’acteurs
d’une grande maîtrise.
Autre principal artisan de cette réussite, la direction de Franz Welser-Möst
qui oscille idéalement entre poésie (quatuor des dames au
deuxième acte), burlesque (scène de cabaret) et
inquiétude (récit de Grimes et final).
Malgré ses limites, une réalisation vivante et
cohérente qui apporte un regard neuf sur une œuvre
difficile à cerner.
Sévag TACHDJIAN
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