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Affetti barocchi
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Rodelinda
Menuet
Se fiera belva ha cinto
Radamisto
Passacaille
Gigue
Vile ! se mi dai vita
Passepied – Rigaudon – Passepied
Siroe
Ouverture
Allegro
Deggio morire, o stelle
Gigue
Giulio Cesare
Non è si vago e bello
Gigue
Se in fiorito
Orlando
Già per la man d’Orlando
Già l’ebro moi ciglio
Bonus Track
Orlando
Ah! Stigie larve
Marijana Mijanović
Kammerochesterbasel
Sergio Ciomei, direction
Enregistré à Basel du 20 au 23 décembre 2006
1 CD SONY – 82876889522- 67’41’’
Que tu me plais, ô timbre étrange !
Faut-il vraiment parler de cet enregistrement sans doute destiné
à l’oubli aussitôt écouté ? Oui,
car ce premier récital d’une artiste estimable
était attendu et aurait même pu faire
l’événement. Omniprésente sur la
scène baroque où les contraltos demeurent une
rareté, Marijana Mijanović ne fait pourtant pas l’unanimité, loin s’en faut : les tenants du belcanto
brocardent la rudesse de l’émission, la désunion
des registres et une ligne rebelle alors que d’autres plongent
avec délice dans un médium crépusculaire et
l’âpre noirceur de graves irréels, pleinement
assumés et généreusement assénés. En
revanche, tous ou presque semblent s’accorder sur le potentiel de
la tragédienne, révélé par une sublime
Pénélope dans la production aixoise
du tandem Noble/Christie (Aix, 2000) et confirmé au disque par
le portrait extraordinairement fouillé d’Asteria dans le Bajazet
(Vivaldi) de Fabio Biondi. Or, ce type de récital
« carte de visite » ne devrait-il pas justement
présenter la soliste sous son meilleur jour et mettre en valeur
ses principaux atouts, son art du récit et sa puissance
d’incarnation ? Malheureusement, si le grain unique du contralto
est toujours aussi phonogénique, en revanche, le studio semble
avoir déstabilisé l’actrice, incertaine et confuse
quand elle ne se replie pas sur son quant-à-soi.
Affetti barocchi :
le titre de l’album est un miroir aux alouettes. « La
sélection d’airs composés pour Senesino,
réunis sur ce CD, donne un aperçu du talent particulier
de Haendel pour peindre en musique les affects les plus
divers » annonce la notice, et d’évoquer le
triomphe de Bertarido, le coup de foudre de César et les
désespoirs de Radamisto ou de Siroe. Mais leurs
désespoirs sont-ils semblables ? Dans quelle
tonalité affective baigne l’endormissement
d’Orlando ? Quelles passions affleurent dans sa folie ?
Autant de questions essentielles que le livret passe sous silence, mais
que l’interprète a nécessairement dû se
poser… apparemment sans trouver de réponse. Elle ne
parvient guère à caractériser les états
d’âme mis en musique par Haendel, excepté la
colère de Bertarido, rôle qu’elle tenait dans
l’intégrale de Curtis. Quelques accents farouches ne
sauvent pas davantage une scène de la folie
(« Ah ! Stigie larve ») indécise,
où la démence ne fait que poindre, et nous laissent
à peine entrevoir ce qu’elle donnerait si seulement
Mijanović se lâchait et donnait libre court à son
tempérament, à son instinct théâtral. Si
seulement…
D’aucuns jetteront la pierre au Kammerochesterbasel, scrupuleux
et impeccable, mais qui semble n’avoir jamais
fréquenté la fosse d’un opéra ; nous
pourrions tout aussi bien leur rétorquer qu’une chanteuse
habitée n’en a cure, qu’elle rayonne seule si elle
ne réussit pas à galvaniser l’orchestre. En
réalité, le problème est ailleurs et d’abord
dans la composition du programme. Le vaste corpus haendélien
recèle des pages magnifiques et en même temps moins
courues que les tubes de Giulio Cesare, des pages qui conviendraient infiniment mieux au contralto (Il trionfo del tempo e del disinganno, Amadigi, Tolomeo
– ses inflexions mélancoliques et son intelligence du mot
feraient merveille dans le saisissant « Stille
amare » du prince d’Egypte – etc.).
Aujourd’hui comme hier avec Minkowski, le « Se in
fiorito » de César, véritable leçon de
séduction amoureuse et vocale, ne peut s’accommoder
d’un chant anguleux, exagérément appuyé et
lourd.
Voilà donc un album inabouti et frustrant. Toutefois, en
deçà de l’opéra, du théâtre et
de la performance, demeure la fascination, intacte, devant cet organe
à nul autre pareil. « C'est toi que j'aime, ô
contralto ! » Si vous partagez le goût
immodéré de Théophile Gauthier pour ce timbre
étrange, alors, n’hésitez pas :
enivrez-vous !
Bernard SCHREUDERS
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