Premier
tableau : Un charmant parc ; sur la droite, le château de Lord Adelson,
à gauche, un petit temple et au fond, un bois.
Introduzione. a) Cavatina. Fanny (contralto) est en train de peindre en
soupirant d'amour pour un mystérieux personnage qu'elle ne nomme
pas. Musicalement, la cavatine arrive presque brusquement mais son introduction
plaintive par la flûte est déjà la signature de Bellini,
tant elle est empreinte de toute la mélancolie suave de son style.
b) Scena. Un crescendo orchestral accompagne l'entrée du choeur
des paysans, de Geronio (bs.) et de Madama Rivers (m.-s.), gouvernante
du château et tante de Fanny. Elle annonce le retour de lord Adelson,
absent depuis de nombreux mois : la liesse générale accueille
cette nouvelle. Le crescendo est copieusement répété
et l'on s'attendrait à ce qu'il introduise une énergique
Cabaletta, mais il n'en est rien...
Recitativo secco. Geronio signale que Lord Adelson pourrait bien être
retenu à Londres... mais Madama Rivers ne croit pas qu'il puisse
rester encore loin de Nelly, sa fiancée bien-aimée qui vit
au château.
Deuxième tableau
: Un bois près du château.
Cavatina di Struley. Sur une musique mélancolique et tourmentée,
le colonnello Struley (bs.), révèle comme la proximité
de cette demeure l'émeut... mais il doit résister aux larmes
et accomplira le dessein qui l'obsède.
Recitativo secco. On apprend que la famille de Struley fut injustement
proscrite par le père de Lord Adelson et que celui-ci, profitant
de l'exil du colonnello, obtint la tutelle de Nelly, la propre nièce
du colonnello. Lorsque Geronio survient, le colonnello Struley rappelle
qu'il l'a sauvé alors qu'il était déserteur, puis
fait engager comme domestique de Lord Adelson. A présent Struley
veut reprendre Nelly. Geronio maudit le jour où il a déserté,
ce qui le rend " esclave de celui-là ".
Cavatina di Bonifacio. Un vif et fort sympathique thème à
la Rossini accompagne le chant du bon serviteur Bonifacio (bs.). Je dis
" à la Rossini " car l'auditeur attentif reconnaîtra
la manière mais non la couleur, Bellini insuffle en effet au morceau,
une tendresse et une chaleur, suivant en celà les traces de Donizetti,
qui l'avait précédé en cette difficile recherche
d'originalité par rapport au novateur pésarais ! Bonifacio
est le serviteur du peintre Salvini, italien comme lui, et vivant sous
le toit de son ami Lord Adelson. Bonifacio rapelle ses jours heureux à
Naples... et ses innombrables créances... d'ailleurs voici un messager
lui apportant une lettre lui expliquant que ses débiteurs ont retrouvé
sa trace ! La Cabaletta ou second mouvement est construite sur un crescendo
délicieusement revu lui-aussi, à la chaleureuse manière
donizetto-bellinienne.
Rec. Secco. Bonifacio. Ah ! l'heureuse époque où il s'était
enrichi en vendant de la charcuterie ! Le voici à présent
confident d'un peintre fou d'amour et qu'il doit tempérer...
Duetto Salvini-Bonifacio. Salvini (t.), le peintre italien, est tellement
perdu dans ses pensées que Bonifacio craint pour sa raison. C'est
un " disperato amor ", un amour désespéré
qui le mine car Salvini est épris de Nelly, la fiancée de
son ami et mécène ! ...Il décide de se tuer... "
Pour qui ? pour une femme ! " s'exclame Bonifacio, qui tente de l'en
empêcher. La Stretta originale est plus linéaire et répétitive,
plus machinalement ornée, aussi. La Stretta refaite est plus sensible
et intéressante, d'autant qu'elle reprend deux beaux thèmes
de l'ouverture, que l'on retrouvera dans l'ouverture et la Cabaletta de
Gualtiero (acte I) dans Il Pirata.
Rec. Secco. Bonifacio-Salvini. Le brave serviteur commente avec bon sens
le geste inconsidéré que Salvini allait commettre, la pire
folie parmi toutes celles qu'il a faites...et qui sont plutôt nombreuses
! et il cite un amusant proverbe :
" Chi lava il capo all'asino / Perde l'acqua e il sapone " (celui
qui lave la tête à l'âne, gaspille l'eau et le savon
!). Salvini pense à son heureuse vie d'artiste en Italie... Bonifacio
évoque la réaction d'Adelson lorsqu'il apprendra l'amour
de Salvini pour Nelly... mais la voici, précisément ! Salvini
s'enfuit... Bonifacio commente cette autre " toujours-en-pleurs "
en bénissant sa salutaire bonne humeur !
Romanza Nelly. Une superbe mélodie proposée par la flûte
donne toute la mélancolie du personnage : Nelly (s.) se lamente
de l'absence de Lord Adelson qui ne lui a pas écrit depuis longtemps.
L'auditeur bellinien sera étonné de retrouver dans cette
fort belle romance, un air de connaissance, la cavatine de Giulietta,
au début du deuxième tableau du premier acte de I Capuleti
e i Montecchi. L'air sera bien sûr plus lent, plus éthéré,
plus lunaire mais cette version simplement mélancolique, avec son
accompagnement ondulant est intéressante et tout de même
touchante.
Rec. secco. Salvini survient et lui remet une lettre de Adelson qu'elle
lui demande de lire, ne se doutant pas de la peine qu'elle lui inflige
ainsi. Elle-même va bientôt ressentir une forte souffrance
quand Salvini lit la consternante nouvelle : l'oncle dont Adelson est
l'unique héritier lui impose un mariage avec la fille d'un pair...
C'en est trop pour Nelly qui s'évanouit.
Scena e Duetto Salvini-Nelly. Salvini n'a même pas pu achever et
dire que Lord Adelson affirmait sa fidélité à Nelly
! Devant Nelly évanouie, Salvini perd la tête... rêve
à un baiser... évoqué par un orchestre suave... qu'il
pourrait donner, pour ensuite s'enfuir!.... il s'exécute mais Nelly
revient à elle et le repousse... Il lui confesse son amour désespéré
; la musique souligne avec une douceur dramatique, une tension caressante,
l'instant crucial... La Stretta originale donne l'avantage à Salvini,
au bout du désespoir, tandis que la version retravaillée
rappelle certes le Bellini plus lyrique, plus achevé -on entend
La Straniera- mais perd la spontanéité, l'élan de
la version originale que cette fois, on peut trouver plus resserrée
(traduction du mot " stretto "!) et efficace... d'autant que
la " bridge section " avant le Da Capo comprend un crescendo
à la Rossini mais fortement poignant, correspondant au moment où
Salvini demande pardon à Nelly.
Terzetto, les mêmes, Bonifacio. Ce dernier annonce le retour de
Lord Adelson et la pauvre Nelly croit qu'il est accompagné de son
épouse mais Bonifacio la détrompe. Musicalement, un crescendo
(un peu trop répété) accompagne la révélation
de Bonifacio puis chacun, selon ses sentiments, se lance dans la vive
Stretta qui est au moins efficace, même si G. Cataldo 4
juge que " tout procède à l'enseigne de la plus fruste
banalité ".
Troisième tableau
: Atrium du château de Lord Adelson.
[La version originale ne prévoit pas ici de changement de décor
mais fait surgir les autres personnages et le choeur, du bosquet.]
Coro e Finale primo.
Madama Rivers, Geronio et le choeur entrent, en un joyeux ensemble sautillant
faisant un peu " standard " mais charmant au demeurant et lançant
quelques jalons jusqu'à La Sonnambula....
L'entrée de Lord Adelson donne lieu à une sorte d'air, très
posé, dans lequel il déclare son impérissable sentiment
pour Nelly, qui intervient pour affirmer sa joie, terminant le morceau
en une sorte de " duettino ". Chacun rend hommage à Lord
Adelson mais Bonifacio, dans un Arioso au charmant dessin à l'orchestre
dans la version refaite, et un peu pompeux dans la première, tente
un compliment et s'embrouille ! Lord Adelson ne le prend pas mal et s'en
amuse, même ; tous l'assurent que Bonifacio fut l'interprète
de leur affection. Le maître de maison cherche son ami qui lui manque...
mais le mélancolique Salvini ne paraît pas... Expression
musicale de la liesse générale, la Stretta finale n'a rien
de particulier si ce n'est son efficace crescendo... que l'auditeur habitué
aux accents belliniens reconnaîtra comme le crescendo de la Stretta
finale I de Il Pirata .
4
Cataldo (Glauco) : Il Teatro di Bellini, Edizioni Bongiovanni, Bologna
1980.
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