Le
parc du château, comme au tableau initial, mais des couronnes de
fleurs sont attachées aux arbres et la porte du petit temple présente
l'inscription suivante : " Ils sont réunis pour toujours.
"
[Les différences
musicales étant plus conséquentes entre les deux versions,
le commentaire se " dédoublera " donc, parfois.]
Version originale
: Duetto Colonnello Struley-Geronio. Ce dernier explique à Struley
qu'il n'y a plus rien à tenter car le mariage aura lieu le lendemain.
Struley se révèle au contraire stimulé par le retour
et la présence de " l'ennemi ".
Version refaite : Aria di Struley con Coro. La musique est inchangée
mais Geronio s'unit au choeur de fidèles qui dialogue ainsi avec
Struley (dans le même esprit de dissuasion). Cette solution est
peut-être plus impressionnante du fait de la présence du
choeur mais le duo semblait plus prenant, dans son intimité.
Recitativo secco.
Geronio raconte qu'il a aperçu Salvini errant dans le bois en se
lamentant sur son amour pour Nelly... Struley veut utiliser cette passion
et tromper Salvini au moyen d'une fausse missive écrite par lui-même.
Geronio devra ensuite mettre le feu au petit temple, et durant la confusion
qui s'ensuivra, Struley pourra fondre sur sa proie, et peut-être
même avec l'aide de Salvini ! Après leur départ, madama
Rivers et Bonifacio surviennent mais le bon Napolitain ne sait répondre
aux questions de la gouvernante qui se demande où est passé
le peintre... Ah ! s'il le pouvait, il cacherait bien Salvini sur la lune
! Fanny entre et pose la même question... mais qu'ont-ils donc tous
avec Salvini !... il aura trouvé une belle petite paysanne et sera
resté à côté d'elle afin " d'en dessiner
le contour ! ". Lord Adelson et Nelly surviennent à leur tour,
il n'est pas tranquille car après six mois d'absence, il aurait
dû retrouver un ami désireux de se jeter dans ses bras, hors
Salvini a disparu ! En vain, Nelly tente d'invoquer l'humeur fantasque
-elle aurait pu dire : " romantique " !- du peintre, probablement
perdu dans la contemplation " d'une colline, d'un horizon amène
". Restée seule avec Bonifacio (qui s'était caché
à leur arrivée) Nelly s'étonne de l'attitude du peintre...
mais l'autre lui rétorque : " C'est votre faute s'il est plus
que fou ! "
Duetto Nelly-Bonifacio. a) Première partie. " Place la mèche
au contact du feu / Et puis dis-lui : "tu ne dois pas brûler!",
s'écrie le brave homme, dans l'une de ses savoureuses métaphores.
Peu à peu, Nelly prend conscience du sentiment qui a pu naître
dans le coeur de Salvini, vivant en permanence à ses côtés...
Musicalement, le contraste est réussi, entre notes rebattues typiques
de l'opéra bouffe, pour les explications de Bonifacio, et les exclamations
dramatiques de Nelly, dont l'esprit s'éclaire. b) Stretta. Le contraste
s'accentue, opposant les notes " serrées " dramatiques,
(typiques des " Strette ", terme signifiant, rappelons-le, serré)
de Nelly, reconnaissant la justesse des paroles du Napolitain ; et le
savoureux crescendo mi-dérisoire, mi pathétique soulignant
l'oscillation de Bonifacio passant de la satisfaction de s'être
déchargé d'un poids, au souci qu'il se fait pour son maître.
Ce Duetto réutilise la matière du duo Adelson-Bonifacio
du troisième acte supprimé dans la seconde version. Le duo
original est plus intéressant par sa situation d'abord, la confrontation
entre le Lord magistrat irlandais et le Napolitain de bon sens, conférant
ensuite, plus de relief, à la musique de cette confrontation hors
du commun...
Rec. secco. Lord Adelson conduit Salvini par la main et nous informe d'un
fait terrible : s'il n'avait été là au bon moment,
Salvini s'ôtait la vie ! Lord Adelson demande s'il a fait quelque
chose de mal contre lui mais Salvini s'accuse plutôt... et Adelson
se rend compte qu'il y a là un secret...
Duetto Adelson-Salvini [original]. a) Arioso Adelson lui demande tendrement
de l'embrasser mais sa bonté augmente encore la souffrance de Salvini
! Dans un Larghetto [b)] mélancolique, chacun implore un dieu ami
pour la paix de Salvini. Un bref dialogue révèle la détermination
de Adelson, prêt à tout sacrifier pour faire le bonheur de
son ami, car il a trouvé la cause de sa douleur ! Salvini exulte,
pensant à Nelly... mais il s'agit d'un quiproquo : Lord Adelson
croit que Salvini aime Fanny ! Un Moderato [c)] conclusif scelle leur
joie erronée.
Duetto Adelson-Salvini
[refait].
a) Arioso mélancolique, plus inspiré que le a) de la première
version.
b) Arioso plus animé : (sacrifice de Adelson) à la place
du bref dialogue.
c) Stretta animée : (joie mutuelle, leur amitié se raffermit)
plus intéressant que le Larghetto et le Moderato qu'il remplace.
En conclusion de cette comparaison, les " formes " Larghetto,
Moderato, choisies par Bellini dans la première version étaient
intéressantes et viables, mais le " fond ", c'est-à-dire
la musique, en était peu inspirée ; on retiendra donc la
seconde mouture de ce duo comme la plus efficace.
Recitativo secco.
Salvini reste seul et émerveillé du sacrifice de son ami
mais Geronio et Struley entrent, et ce dernier le détrompe : Milord
est déjà marié à Londres, il veut simplement
abuser et posséder Nelly ! A Salvini qui n'en croit rien, Struley
exhibe une lettre dont il a soin de lui faire reconnaître l'écriture,
celle de Lord Belmont, oncle de Adelson. celui-ci présente ses
excuses au colonnello car Adelson ayant convolé avec Milady Astor,
ne peut plus épouser sa nièce... cette révélation
de l'identité de son interlocuteur impressionne Salvini... mais
les préparatifs du mariage ?... l'or fait taire le prêtre
et les témoins sont ses vassaux ! insinue Struley... Cette fois,
la confiance de Salvini est ébranlée, il s'en remet au colonnello
qui, une fois seul, triomphe pleinement. Bonifacio survient et trouve
que Struley a une mine patibulaire... il imagine même que c'est
l'un des envoyés de ses créanciers venant lui donner la
chasse... mais le colonnello dit simplement chasser les oiseaux et s'éloigne.
Salvini entre un instant et met Bonifacio dans la confidence du sacrifice
de Lord Adelson, mais son ton mystérieux plonge le bon Napolitain
dans une belle perplexité...
Aria di Bonifacio. " Le milord et le peintre / brûlent pour
Nelly / peut-être se sont-ils arrangés / en la partageant
en deux ", s'exclame-t-il dépassé par cette intrigue.
Les motivations de chacun lui échappent, et à forse de prendre
tout à coeur, il se sent devenir fou ! Qu'ils aillent donc tous
au diable... et puis qui est encore à la base de tout ceci ? une
" femelle ! ", la " Cause de tout souffrance ", c'est
bien connu, ah ! on devrait en faire à moins : " qu'on en
perde la semence " !... Il se ravise tout de même un peu, reconnaissant
qu'" une épouse, quand elle est valable, / Peut mettre en
place l'estomac. " Le bon sens est surtout dans les paroles, la musique
est bien pâle, on repère un petit crescendo à la Rossini
mais déjà coloré de cette teinte de romantisme aimable
comme le faisait Donizetti, c'est tout !
Sinfonia... aux deux tiers ! On peut se demander ce que fait ici cette
répétition partielle de l'ouverture, en l'absence d'une
quelconque indication de jeu de scène dans le livret ! [Seule la
seconde version présente ce passage orchestral].
Recitativo secco. Adelson veut faire connaître Salvini à
son oncle qui va le présenter au roi mais Nelly suggère
que le peintre n'est pas fait pour le grand monde, il souffre, il a de
la peine.... peut-être a-t-il laissé à Rome quelque
objet aimé ?
Lorsque Adelson déclare qu'il est ici, l'objet de son amour, Nelly
tremble qu'il soit à connaissance de la vérité et
Fanny s'interroge.... Bonifacio introduit Salvini et Adelson lui dit vouloir
faire son bonheur, en désignant Fanny...
Finale II. a) Salvini survient enfin et dans un bel Arioso, Lord Adelson
lui présente Fanny ! ! Le peintre pâlit sous les yeux de
tous...
b) Sestetto concertato. Habilement construit, ce sextuor traduit bien
la perplexité de tous, même s'il n'offre pas de mélodie
mémorable.
c) Scena. Le choeur des domestiques et Geronio annoncent qu'un incendie
fait rage et menace le château... Lord Adelson, Fanny et madama
Rivers sortent et Salvini profite de la confusion pour révéler
à Nelly l'ignominie de Adelson (son mariage à Londres) ;
il veut l'entrainer mais elle refuse, le colonnello Struley s'avance alors.
Nelly le reconnaît, horrifiée mais Salvini lui présente
son oncle comme un sauveur ! Dans un Arioso haletant et poignant, elle
implore Salvini de la sauver car cette fois, elle est en danger ! Salvini
est ébranlé par cette prière, d'autant que Struley,
impatienté, ne dissimule plus et cherche à entraîner
sa nièce... Geronio brandit un stylet et maintient Salvini à
distance. Un petit passage à trois fut ajouté dans la seconde
version, exploitant mieux encore ce moment crucial. C'est trop d'émotion
pour Nelly qui s'évanouit dans les bras de son oncle. Celui-ci
la couvre de son manteau et menace Salvini de la tuer s'il les suit !...
et d'ailleurs Geronio protège sa fuite, puis s'éloigne enfin...
Eperdu, Salvini s'élance dans la même direction.
Les autres reviennent, joyeux d'avoir écarté le danger mais
un coup de feu retentit...
A partir d'ici, les
deux versions diffèrent considérablement. Nous choisissons
donc de continuer le commentaire de la seconde version, pour indiquer
ensuite ce que proposait la version originale.
[d) Scena (suite)].
La musique du choeur diffère déjà dans la seconde
version, mais c'est l'atmosphère qui change, car comme on le verra
plus bas, le ton est dramatique dans la version originale, tandis qu'ici,
tout s'éclaire. Bonifacio entre, accompagné d'une musique
mousseuse car il fait le récit d'un Salvini au comble de la fureur
et mettant en déroute Geronio et Struley qu'il blesse d'un coup
de feu à la gorge. Le peintre courageux a arraché Nelly
à ses ravissseurs et la reconduit à ceux qui l'aiment...
e) Romanza Salvini nel Finale II. La flûte introduit le charmant
thème de sa romance (dont Vincenzo se souviendra pour son Valdeburgo
de La Straniera). Salvini rend " la sposa " et tend la main
à Lord Adelson : la raison a vaincu l'amour ! Il demande de partir
un an pour la " bella Italia " où il reverra sa mère
et, de retour, il épousera Fanny (sans lui demander son avis ?
comment sait-il qu'elle est folle de lui ?). Une effervescence passe à
l'orchestre : Lord Adelson veut embrasser Salvini, -Bonifacio en fait
autant !- et il demande sa main à Nelly. Adelson déclare
enfin que lorsque Salvini reviendra, ils seront réunis pour toujours
! ...mais cette " montée " orchestrale n'annonce qu'un
rapide ensemble final, traduisant la liesse générale :
Tutti : " Pace
qui regni e amor ! "
(Qu'ici règnent la paix et l'amour !)
* Rideau *
Version originale : suite du Finale II° (divergences
après le coup de feu).
d) Scena (suite).
Salvini revient abasourdi et annonce la mort de Nelly... par sa faute.
Adelson se jette sur lui, qui d'ailleurs ne demande qu'à mourir,
mais les autres le retiennent. Le rideau tombe sur la consternation qui
scelle ce " Quadro generale " ou tableau, comme on disait autrefois.
Musicalement, la " scena " s'achève curieusement sans
" Stretta ", ce qui laisse l'auditeur un peu sur sa faim. Il
est rare, en effet, qu'à cette époque on se passe de "
numéro musical " en fin d'acte, il faudra attendre Verdi,
qui ne mettra pas de numéro musical à la fin du premier
acte de Rigoletto, privilégiant l'action sur la musique. Ici, Bellini
dramatise comme il peut sa Scena, mais le résultat fait plutôt
scène de théâtre accompagnée de musique, comme
dans le cadre d'un mélodrame.
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