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MEYERBEER, Les Huguenots — Berlin (Deutsche Oper)

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Spectacle
20 novembre 2016
Pari gagné pour Flórez

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Grand opéra en cinq actes, livret d’Eugène Scribe et Emile Deschamps

Créé à l’Opéra de Paris le 29 février 1836

Détails

Mise en scène

David Alden

Décors

Giles Cadle

Costumes

Constance Hoffman

Lumières

Adam Silverman

Dramaturgie

Jörg Königsdorf
Curt A. Roesler

Chorégraphie

Marcel Leemann

Marguerite de Valois

Patrizia Ciofi

Valentine

Olesya Golovneva

Urbain

Irene Roberts

Raoul de Nangis

Juan Diego Flórez

Le comte de Nevers

Marc Barrard

Le comte de Saint-Bris

Derek Welton

Marcel

Ante Jerkunica

De Tavannes / Premier moine

James Kryshak

Bois-Rosé

Robert Watson

De Cossé

Andrew Dickinson

De Thoré / Maurevert

Alexei Botnarciuc

De Retz / Troisième moine

Stephen Bronk

De Méru / Deuxième moine

John Carpenter

Un archer

Ben Wager

Deux jeunes filles

Adriana Ferfezka
Abigail Levis

Chœurs, ballet et Orchestre du Deutsche Oper de Berlin

Direction musicale

Michele Mariotti

Berlin, Deutsche Oper, dimanche 20 novembre 2016, 17 heures

Après Dinorah en 2014 et Vasco de Gama en 2015,  le Deutsche Oper de Berlin poursuit son entreprise de redécouverte de l’oeuvre de Giacomo Meyerbeer avec Les Huguenots,  son opéra le plus célèbre (il fut représenté 1126 fois à l’Opéra de Paris et resta un succès mondial jusqu’au début du XXe siècle). C’est le seul de ses ouvrages à n’avoir jamais quitté le répertoire.

De par ses exigences contradictoires, Raoul de Nangis est l’un des rôles de ténor les plus difficiles à distribuer. Aux deux premiers actes, Juan Diego Flórez est naturellement idéal par sa technique belcantiste. Il nous offre sans doute l’une des plus belles interprétations qui soient de « Plus blanche que la blanche hermine », tendre, élégiaque et inspirée. Le duo avec Marguerite de Valois est chanté avec goût et délicatesse. L’aisance vocale du ténor péruvien est d’autant plus remarquable qu’il emploie essentiellement le registre de poitrine, là où un ténor de demi-caractère aurait recours à la voix mixte. Dans les finales des actes II et III, ou encore dans le septuor du duel (qui culmine au contre-ut dièse), Flórez se fait plus héroïque. S’appuyant sur une projection très concentrée, la voix réussit à passer la barre des choeurs et des ensembles, pourtant particulièrement fournis. L’exploit est d’autant plus remarquable que la salle est grande (plus de 1800 places) et que l’acoustique ne flatte pas particulièrement les voix. Même s’il n’est pas ​le lyrico-dramatique attendu dans cet ouvrage, Flórez est davantage qu’un simple tenorino, et il transcende ses moyens aux deux derniers actes : impossible de rester de marbre devant un tel engagement et une telle endurance, le ténor enchaînant, sans quitter la scène, le magnifique duo avec Valentine (qui monte au contre-ré bémol), la scène de la Tour de Nesles (et ses contre-ut) avant d’attaquer les trios de la dernière scène de l’ouvrage, sans jamais donner le moindre signe de fatigue. Initialement bridé par la mise en scène pendant les deux premiers actes, il est ici complètement libéré dans son interprétation du héros romantique exalté. On pourra objecter, non sans raison, qu’il manque à Flórez  la largeur de voix et la puissance d’un Richard Leech ou d’un Marcello Giordani, mais ceux-ci n’avaient pas non plus cette musicalité héritée du belcanto. Un tel phrasé, un tel legato et une telle longueur de souffle sont tout simplement rarissimes dans ce répertoire. Une prise de rôle qui était aussi une vraie prise de risque. A quelques erreurs près, le français est très correct et surtout parfaitement articulé.

Une qualité que l’on retrouve chez Ante Jerkunica. La basse croate dispose d’un registre grave impressionnant, mais d’un aigu un peu rétréci. Marcel est superbement campé, avec toutes ses facettes psychologiques, le huguenot intransigeant laissant finalement percer une profonde humanité. Le comte de Saint-Bris de Derek Welton est bien chantant, peut-être même trop, et la voix est saine, le français très correct. Mais le chanteur manque de charisme et peine à portraiturer un fanatique prêt au massacre. Seul français de la distribution, Marc Barrard campe un Nevers plein d’humanité et bien chantant, mais esquive certains aigus.  Les petits rôles sont excellents, en particulier les nombreux ténors, James Kryshak, Robert Watson, Andrew Dickinson et, côté basse, l’archer de Ben Wager

La distribution féminine n’est pas en reste. Le difficile rôle de Valentine est excellement défendu par Olesya Golovneva, belle voix puissante, encore un peu verte, au grave bien rond, au médium riche et à l’aigu large. Son legato et son phrasé parfait permet à l’interprète d’offrir un magnifique « De mon amour faut-il, triste victime », son unique air au début de l’acte IV. Mais dès l’acte III, dans le duo avec Marcel « Tu ne peux éprouver ni comprendre », le soprano russe se révèle assez exceptionnel. Dans ce morceau d’une terrible difficulté d’exécution, Golovneva fait preuve d’une remarquable maîtrise du souffle et des sauts de registre, au profit d’une superbe incarnation dramatique. La prononciation du français reste toutefois perfectible par un manque d’articulation des consonnes. En Reine Margot, Patrizia Ciofi tire son épingle du jeu. A ce stade de sa carrière, le bas médium est devenu très confidentiel et la projection plus limitée. Les coloratures ne peuvent rivaliser avec celles de la plupart de ses devancières, mais on apprécie, là aussi, une certaine prise de risque et le charme d’un timbre unique et personnel. Il est toutefois dommage que Ciofi sacrifie la prononciation à la beauté du son, le texte étant particulièrement difficile à saisir. L’Urbain d’Irene Roberts casse la baraque : charme, abattage, liés à des moyens remarquables (la plus grosse voix du plateau chez les dames) et à une technique impeccable, en particulier dans les vocalisations. Signalons également les deux Bohémiennes (dans cette mise en scène, deux jeunes filles) Adriana Ferfezka et Abigail Levis, au timbre frais et à l’émission sûre.

La direction de Michele Mariotti est dévouée au plateau, accompagnant attentivement les solistes et maîtrisant la complexe architecture des ensembles. En particulier, le travail réalisé sur le triple choeur de l’acte III, qui avait tant impressionné Berlioz, est sans comparaison aucune avec ce que nous avions pu entendre la veille.  Les tempi sont en revanche un peu trop fluctuants. L’orchestre est de très bon niveau et les choeurs absolument superbes. On saura également gré à Mariotti d’avoir limité le nombre de coupures : par rapport à la version quasi complète proposée à Bruxelles par Marc Minkowski, il ne manque que quelques reprises ( ainsi, le duo « Il me semble que c’est elle » commence directement par le second couplet, il manque un verset à la cabalette de la tour de Nesles, etc.).

La production de David Alden vient malheureusement un peu gâcher la fête musicale. Tout d’abord, le metteur en scène ne comprend visiblement pas le style de l’ouvrage auquel il s’attaque. On a pu lire que Meyerbeer était l’Andrew Lloyd Webber de son époque. En dehors de la popularité de leurs productions respectives auprès du grand public, et d’un goût pour le grand spectacle, il n’y a pourtant aucun rapport entre le compositeur des Huguenots et celui du Phantom of the Opera. C’est pourtant vers Broadway qu’Alden cherche sa source d’inspiration, et vers l’opérette. Les deux premiers actes semblent ainsi tirés d’une production recyclée de La Veuve joyeuse : noceurs en frac, militaires d’opérette, gags à la limite du slapstick, french cancan avec danseuses déguisées en grappes de raisins noir et or (voir photo) … On mettra à part l’inévitable fellation, gage donné à l’indispensable mauvais goût. Flórez joue les Tonio de La Fille du Régiment, Ciofi conclut son air avec les cadences de Lucia di Lammermoor et de Lakmé … Alden n’a pas compris l’architecture du grand opéra français qui consiste à mélanger les genres, à aborder le drame progressivement, en étant tout d’abord léger avant de basculer (une progression qu’on retrouve aussi dans Carmen). Au lieu de traiter les premiers actes avec finesse, il en fait une farce grossière. Les choses s’arrangent à l’acte III, moins caricatural, mais la première scène est difficilement compréhensible pour qui ne connaît pas bien le livret : les diverses factions rivales, soldats protestants, femmes catholiques, clercs de la basoche, bohémiens sont assises dans un même temple et seule la couleur de leurs bibles respectives permet de les distinguer. Le surtitrage ne permet pas de suivre l’action puisque tous ces groupes chantent simultanément des paroles différentes. De manière assez paradoxale, alors qu’Alden rajoute des chorégraphies là où elles ne sont pas prévues, personne ne danse sur la musique du ballet ! La suite est heureusement plus sérieuse et en phase avec le drame, et la scène finale qui voit arriver la Reine Marguerite désespérée, muette d’effroi et couverte de sang est particulièrement impressionnante. Un tel sujet, à la fois actuel et éternel, méritait un traitement plus réfléchi, mais l’excellence de l’exécution musicale et la qualité intrinsèque de l’oeuvre de Meyerbeer balaient nos réserves. Une grande soirée !

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Grand opéra en cinq actes, livret d’Eugène Scribe et Emile Deschamps

Créé à l’Opéra de Paris le 29 février 1836

Détails

Mise en scène

David Alden

Décors

Giles Cadle

Costumes

Constance Hoffman

Lumières

Adam Silverman

Dramaturgie

Jörg Königsdorf
Curt A. Roesler

Chorégraphie

Marcel Leemann

Marguerite de Valois

Patrizia Ciofi

Valentine

Olesya Golovneva

Urbain

Irene Roberts

Raoul de Nangis

Juan Diego Flórez

Le comte de Nevers

Marc Barrard

Le comte de Saint-Bris

Derek Welton

Marcel

Ante Jerkunica

De Tavannes / Premier moine

James Kryshak

Bois-Rosé

Robert Watson

De Cossé

Andrew Dickinson

De Thoré / Maurevert

Alexei Botnarciuc

De Retz / Troisième moine

Stephen Bronk

De Méru / Deuxième moine

John Carpenter

Un archer

Ben Wager

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Berlin, Deutsche Oper, dimanche 20 novembre 2016, 17 heures

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