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Les mille et une vie
d'Emmanuelle Haïm
« Très
souvent les chanteurs savent ce qu’ils veulent faire et
n’aiment pas qu’on leur dise d’agir autrement. Il y a
vraiment fort peu de chefs qui, par leur habileté, leurs
connaissances, leur générosité et leur charisme,
sont capables de percer cette carapace d’amour-propre. Emmanuelle
Haïm est de ceux-là. »
Ian Bostridge (Gramophone, mars 2003)
Après un splendide Aci, Galatea e Polifemo, Virgin vient de publier la version à ce jour la plus aboutie du Trionfo del tempo e del disinganno : de toute évidence, Haendel réussit à Emmanuelle Haïm et
pas qu’au disque, mais la passion dévorante qui
l’anime embrase bien d’autres répertoires comme en
témoignent ses enregistrements très personnels de Dido & Æneas ou plus récemment du Combattimento di Tancredi.
Une certaine critique surtout hexagonale ne la ménage
guère, prompte à oublier les débuts parfois
très approximatifs ou prosaïques, les options discutables
et même les erreurs de parcours des pionniers du baroque. Ces
détracteurs semblent ainsi exiger du Concert
d’Astrée une perfection que les meilleurs ensembles ont
mis des années à approcher. Faut-il y voir le signe de
l’impatience, mêlée d’intransigeance, qui
caractérise notre époque et son consumérisme
fébrile ? Lucide et déterminée, Emmanuelle
Haïm sait que ses musiciens doivent encore évoluer et
entend bien leur en donner les moyens. Nous l’avons
rencontrée au lendemain d’une représentation du
mythique Giulio Cesare de David McVicar qu’elle dirigeait en mai dernier pour sa reprise à l’Opéra de Lille.
A
priori diriger une reprise peut sembler moins exaltant que participer
à la genèse d’un nouveau spectacle comme Tamerlano la saison dernière. Comment le vivez-vous ?
En fait, ce n’est pas la première fois que j’aborde ce Giulio Cesare,
je l’avais déjà dirigé à
Glyndebourne. En plus, pour moi, toute reprise, d’un spectacle
scénique ou non, avec un autre cast et un autre orchestre,
change nécessairement les tenants et aboutissants. Ce
n’est pas du tout les mêmes tempi avec David Daniels et
avec Sonia Prina. Du coup, l’air change, ce n’est pas son
sens ou la vision que j’en ai qui change, mais on s’adapte
au type de voix, à son poids, à ses possibilités
expressives, à ce qu’elle exprime le mieux. C’est la
même chose avec David [McVicar] : en apparence, c’est
la même mise en scène, mais en réalité, dans
les dessous, les différences sont grandes. C’est comme une
pièce de théâtre, ce sont les mêmes mots,
mais la façon de les dire n’est pas identique ; le
sens, la construction générale du personnage, oui, mais
on y apporte des nuances différentes. En fait, lors de la
création, il a amené ses idées et a construit le
spectacle avec les artistes, puis il l’a reconstruit avec
d’autres interprètes pour la reprise. Mais c’est
encore plus flagrant pour un chef.
Même Christophe Dumaux, présent en 2005, fait des choses nouvelles dans le rôle de Tolomeo…
Oui, il y a une certaine
liberté, les personnages évoluent. Il suffit
d’écouter la représentation d’hier, cela a
peu à voir avec le spectacle d’origine.
Par
contre, dans l’air de Cesare, « Se in
fiorito », Sonia Prina reprend certains ornements de Sarah
Connolly et cette idée géniale de remplacer quelques
vocalises en sifflotant. Comment avez-vous travaillé
l’ornementation, ce sel de l’opera seria ?
J’attends la
première répétition, j’écoute les
chanteurs et en fonction de ce que j’entends,
j’écris une, deux, voire trois propositions pour chaque
air, puis on les essaie, on les change aussi un peu. Bien sûr, il
faut une ligne directrice de l’ornementation,
générale et cohérente sur un ouvrage, mais si un
chanteur ou un assistant apporte une bonne idée, pourquoi ne pas
l’inclure ? Dans cette reprise, la Cleopatra a une voix
très légère, alors que celle de Danielle De Niese
est beaucoup plus lourde, et je n’ai pas du tout proposé
la même chose. Il y a aussi des passages
chorégraphiés qui utilisaient un certain type
d’ornements ; or, dans le cadre d’une reprise, je suis
à l’écoute des souhaits de la mise en scène,
car la ligne vocale ne doit pas contredire les mouvements de la danse
et aller, par exemple, vers le haut si les gestes vont ailleurs... A
l’inverse, un certain nombre d’éléments de la
chorégraphie ont été modifiés pour
s’adapter à une voix plus légère, à
une ornementation plus aiguë que celle de Danielle De Niese. Le
sifflotement, je n’étais pas là, mais il a
probablement été suggéré par David parce
que c’était un air léger. Pourquoi ne pas le garder
puisque Sonia le réussissait bien ? Par contre, on ne
l’avait pas gardé avec David Daniels, cela ne lui allait
pas.
J’imagine
que certains chanteurs viennent avec une idée toute faite de
l’ornementation et ont déjà
préparé leur Da Capo ?
Oui, mais cela
dépend aussi de la culture harmonique du chanteur. C’est
plus complexe que cela en a l’air, c’est un art qui est
malgré tout perdu, puisqu’on éduquait les jeunes
enfants et qu’ils pratiquaient couramment l’ornementation.
Mais quand c’est possible, j’essaie d’y consacrer du
temps pour qu’il y ait aussi un apport du chanteur. J’en
connais certains qui sont particulièrement brillants et qui
proposent des choses très convaincantes. Le tout c’est que
l’ornement cadre avec la signification de l’air, il faut
faire attention à la non répétition des cadences,
il faut qu’elles soient toujours signifiantes. Il ne faut pas
faire un ornement décoratif dans une page tragique.
Peut-on
aujourd’hui prendre le risque de laisser les chanteurs renouveler
leur ornementation d’un soir à l’autre, comme
à l’époque de Haendel ?
On le pourrait avec des
musiciens qui ont vraiment acquis cette pratique, j’en connais
quelques uns, je pense en particulier à Jérôme
Corréas, qui est à la fois chanteur, claveciniste, chef,
etc. Je l’imagine plus facilement en concert qu’en
scène, parce que la mémoire est très
occupée par l’action, l’évolution des
sentiments du personnage qu’elle lie étroitement à
ce qu’il chante. Improviser en concert, avec une partition qui
donne la trame sur laquelle orner, c’est autre chose. Sur
scène, c’est un peu dangereux et les chanteurs le font
rarement, sauf éventuellement sur des points de cadence. Par
expérience, je ne le recommande pas. Le mieux, c’est quand
on connaît vraiment les chanteurs avant et qu’on a le temps
d’écrire en pensant à leur voix. A force de
travailler beaucoup avec Natalie Dessay, par exemple,
j’écris déjà à l’avance, ce qui
n’empêche pas qu’elle me dise : «
N’y a-t-il pas plutôt moyen d’y arriver comme
ça ? », « Là, je suis trop souvent
dans cette région de la voix ». Il y a des
préoccupations d’équilibre de tessiture, etc. Si on
se prête à l’exercice qui consiste à
écrire, non seulement des Da Capo, mais aussi des
récitatifs, on se rend compte de la science extraordinaire de
Haendel. Un Da Capo ne doit jamais être moins beau que l’original et ne doit pas en tout cas pas dénaturer sa beauté.
Les
meilleurs interprètes, à l’époque,
réussissaient à surprendre tout en préservant le
caractère, le sens des airs, cet idéal est-il encore
accessible ?
C’est vrai, nous
avons conservé des ornements écrits par Haendel, par des
chanteurs comme la Faustina ou par Hasse sur des airs de Haendel, et
c’est tout un art, mais il se travaille et s’enseigne
d’ailleurs. Quand, sur une année, vous montez trois
opéras de Haendel, avec une moyenne de trente-cinq airs par
opéra, ce qui fait une bonne centaine d’airs, vous pouvez
acquérir une certaine pratique…
A
propos de Haendel, il y a quelque temps, vous parliez
d’enregistrer un second volume de duos arcadiens. Est-ce toujours
d’actualité ?
Oui, mais c’est un
projet qui prend du temps. C’est un travail de longue haleine
avec les chanteurs. Par exemple, j’imagine tout à fait que
Sonia y participe, mais c’est souvent un problème de
calendrier. C’est un travail qui exige aussi pas mal de concerts
entre les duettistes concernés.
Ce qui est encore plus compliqué quand on multiplie le nombre de duettistes, comme pour le premier album…
Oui, mais
idéalement il faut plusieurs chanteurs, parce qu’il y a
des parties de sopranos plus graves que d’autres, ce n’est
pas le même type de voix tout le long, mais je ne vais pas
dévoiler le répertoire qui reste – il n’est
pas totalement inconnu –, il y a aussi des trios absolument
magnifiques que je dois enregistrer… Ce qui, je pense,
était assez réussi sur le premier disque, c’est la
variété de couleurs qu’apportaient
précisément les différents duettistes : une
couleur plutôt légère avec Laura Claycomb et Sara
Mingardo, plus charnelle avec Juanita Lascarro et Brian Asawa, plus
évaporée avec Patricia Petibon et Paul Agnew ou au
contraire très sensuelle avec Natalie Dessay et Véronique
Gens. Mais penser ces alliages de timbres prend du temps.
Votre prochain disque sera consacré à des lamenti
du Seicento. Comment est né ce projet ? Est-ce votre
fréquentation de Monteverdi qui vous y a amenée ?
Cela fait partie des
premiers projets avec lesquels je suis arrivée chez VIRGIN, dans
une liste d’une cinquantaine d’idées que j’ai
soumises à Alain Lanceron. Je dois en être à six ou
sept… et je coche [Rires]
Quels sont les compositeurs retenus ?
D’india, Cesti, Monteverdi bien sûr, Carissimi, Cavalli avec un très beau lamento d’Egisto… Là encore, pour ce qui est des chanteurs, c’est comme faire une distribution.
Et quelles couleurs avez-vous réunies cette fois ?
C’est toujours un
peu la même équipe de chanteurs que j’ai autour de
moi depuis quelques années : Natalie Dessay, Patrizia
Ciofi, avec qui j’ai donné beaucoup de concerts,
Véronique Gens … Tout ce beau monde était
déjà sur l’Orfeo.
Il y a aussi quelques nouveaux comme Marie-Nicole Lemieux avec qui je
souhaitais travailler. Puis Topi Lehtipuu, Rolando Villazon…
Depuis
leurs duos sur l’album Monteverdi, on rêve de les
réentendre ensemble ! Il y a une atmosphère
incroyable dans leur lecture d’Interrote speranze…
On ne peut pas dire
qu’il y a dans cette pièce une voix vraiment en dessous et
une autre au-dessus, mais quand même un peu et contrairement
à ce qu’on pourrait croire, j’ai mis Rolando
au-dessus. C’est ce qui marchait le mieux, bien que ce soit des
parties à peu près égales. Rolando et Topi ont en
commun une grande souplesse et une formidable réactivité
l’un à l’autre…
Ce
que le DVD montre bien, d’ailleurs. A propos de Topi Lehtipuu, il
chantait dans la Didone de Cavalli montée à Lausanne en
2000, un spectacle où je me souviens vous avoir croisée.
Aimeriez-vous aborder les opéras de Cavalli ?
Oui, mais il y a encore
tout un travail éditorial à mener sur de nombreux
manuscrits : ceux de la main de copistes sont lisibles, mais les
manuscrits autographes sont écrits au fil de la plume et bien
plus difficiles à déchiffrer. Et leur édition
nécessite des moyens importants…
Vous seriez donc partante pour recréer l’un ou l’autre des ces ouvrages qui sommeillent encore ?
Oui, il y a plusieurs livrets qui m’intéressent. C’est en projet…
Dans le DVD qui accompagne le Combattimento di Tancredi,
Rolando Villazon exprime le souhait d’aborder l’Orfeo. Si
demain vous le remontez et qu’on vous demande de choisir entre
des personnalités aussi différentes que Ian Bostridge et
Rolando Villazon, que ferez-vous ?
Au départ, Ian
n’était pas ce que j’envisageais pour le rôle.
J’imaginais, d’abord, un latin, puis éventuellement
un baryton, sauf dans le cas du diapason haut que nous avons en fait
choisi. Mais en l’entendant chanter un tout autre
répertoire – l’Evangéliste –,
j’ai trouvé qu’il avait un tel art de la narration
et de l’incarnation dans le mot qu’il m’a paru tout
à fait adapté pour le rôle d’Orphée.
C’était formidable de travailler avec lui. Maintenant,
dans une pièce très héroïque et très
épique comme le Combattimento,
Rolando correspondait à ce que j’entendais, et même
à ce que j’entendais de manière
idéalisée. Dès que nous avons travaillé la
première phrase, j’en ai pris conscience : tout y
était. Il a une telle force de conviction, il a quelque chose en
même temps de sombre, mais aussi de passionné, de
tellement investi.
Vous l’imaginez en Néron ?
Oui, tout à
fait ! Si tant est que l’on opte pour un Néron
ténor, avec la perte que cela implique de l’osmose un peu
identitaire avec Poppée. Mais pour lui, je le ferais.
Changeons un peu d’horizon. Il y a quelques années, après une représentation des Indes galantes
à Garnier, vous m’aviez confié, pleine
d’enthousiasme, que chaque acte de ballet de Rameau
mériterait d’être exhumé et rejoué.
Ah oui !
Il y a là aussi des merveilles à ressusciter… Vous l’envisagez ?
C’est toujours un problème de moyens, Rameau.
Mais justement, programmer des actes de ballet ne serait-ce pas un peu moins coûteux ?
Peut-être. Cela
dépend des maisons. Il y a au moins dix personnages, même
si on admet que certains soient issus des chœurs. Il y a donc
cinq protagonistes, quatre ou cinq figures secondaires et quelques mini
personnages ou apparitions ; il y a un minimum d’une dizaine
de danseurs, il faut un chœur d’environ vingt-cinq
personnes qu’on ne peut pas réduire même pour un
acte de ballet et un orchestre relativement conséquent. On ne
peut diminuer que les coûts en matière de costumes et de
décors. En outre, il faudrait les monter dans des
théâtres qui peuvent accueillir des orchestres et
chœurs baroques. On me demande souvent des compromis sur les
chœurs, parce que les théâtres ont des chœurs
maison. Nous avons eu une expérience relativement probante
à Strasbourg, où nous avons mêlé mon
chœur et des éléments du chœur de
l’Opéra de Strasbourg sélectionnés pour leur
adéquation au répertoire. Maintenant, tout le monde
n’est pas prêt, des musiciens sont très nettement
faits pour un répertoire plus tardif et n’ont pas la
culture nécessaire pour aborder Rameau.
Ne pourrait-on pas imaginer que certains festivals programment ces actes de ballet ?
Oui, cela demanderait un investissement financier important, mais pas pire pour eux qu’un Wozzeck ou un opéra de Janacek.
La
richesse de l’écriture orchestrale de Rameau
n’est-elle pas susceptible de séduire une frange du public
plus réfractaire à l’opera seria, par
exemple ?
Oui, en tout cas une
partie du public français. Il y a un travail à
réaliser pour exporter Rameau, encore que, par exemple, le Platée de Mark Morris a fort bien marché à Londres, Zoroastre
a été donné à Stockholm, il y a de bonnes
productions aux Etats-Unis, notamment à Boston. Platée
est un titre souvent donné en Allemagne, dans les
théâtres de répertoire. J’ai fait plusieurs
concerts avec des suites et un certain nombre de chanteurs qui
intervenaient comme pour narrer une mini histoire dans l’histoire
et le public s’est montré, c’est vrai, super
réceptif à cette musique. Il y a des productions
parisiennes qui ont rencontré un vif succès et certains
théâtres font pas mal d’accueil, Caen, par exemple,
a accueilli des productions de Rameau. On a des projets ici, à
Lille.
Lully est prévu l’année prochaine, mais il est donc aussi question de monter Rameau ?
Nous cherchons des coproducteurs.
En
parlant de Lille, il y a un aspect de votre résidence
qu’on connaît mal, c’est le volet pédagogique,
pourriez-vous nous en dire quelques mots ?
J’ai souvent des
rencontres avec le public, avec les enseignants pour lesquels sont
également organisés des stages qui les aident à
préparer leurs classes, car ils ne sont pas
nécessairement versés dans le baroque. Je vais rencontrer
aussi très prochainement le directeur du conservatoire pour
essayer de développer plus de passerelles entre
l’établissement et notre ensemble. En outre, chacune des
productions a été accompagnée de projets
satellites qui mettent en valeur des personnalités au sein de
l’ensemble. Par exemple autour de l’Orfeo, nous avons mis sur pied une journée de concerts ouverts à tous les publics, dans le style des Happy Days,
des concerts d’une demi-heure toutes les heures dans des lieux un
peu inhabituels comme la salle de danse, la salle de rappel des
chœurs, etc. J’ai mis chacun des membres de
l’équipe vocale et instrumentale de l’Orfeo à
la programmation, afin que ce soit à la fois une
expérience pédagogique autour de Monteverdi, du
dix-septième, mais aussi un terrain de recherche et
d’expression pour les jeunes chanteurs qui étaient de
grande qualité. Il y a eu des duos de ténors et des duos
de sopranos, des sonates pour violon, des pièces de luth et de
harpe, lors de concerts disséminés dans tout
l’opéra. Cette journée a attiré près
de 9000 spectateurs, des personnes qui n’étaient jamais
venues à l’opéra et encore moins pour y
écouter une musique « élitiste »
qu’ils n’ont d’ailleurs pas du tout perçue
comme telle. Il y a eu aussi « le petit
Tamerlan », une version d’une heure montée par
les doublures du spectacle et dirigée par mon assistant,
Benoît Hartouin, entouré de quelques instrumentistes, qui
s’est révélé assez formateur pour le public.
Nous allons aussi organiser une journée Lully dont le fil
d’Ariane nous emmènera sur les traces de
Thésée. Les concerts du mercredi peuvent aussi être
en rapport direct ou indirect avec les spectacles, Atsushi Sakaï
[violoncelle] et Mónica Pustilnik [luth] ont fait un programme
sur l’ornementation et l’improvisation. Le public est de
plus en plus nombreux et revient.
A
propos des instrumentistes, le Concert d’Astrée va
accompagner Viktoria Mullova dans des concertos de Bach et donner
bientôt la Water Music.
Vous essayez de développer un répertoire purement
instrumental pour l’orchestre ou cela restera occasionnel ?
Non, mais cela me semble
important pour le son. Nous n’avions pas encore assez
l’occasion de jouer de la musique exclusivement instrumentale.
Parfois, à l’occasion d’un récital de
chanteur, nous pouvons développer un certain nombre de
pièces, mais pour cela, il faut avoir un programme plus
dix-huitième, voire du dix-huitième tardif,
éventuellement plus classique, ce qui est un peu moins mon
répertoire. Mais c’est absolument nécessaire pour
la formation de l’orchestre. Nous devons développer ce
travail.
Vous pourriez donner aussi plus régulièrement les suites de Rameau ?
Nous en avons
déjà donné, aux Etats-Unis, pour notre premier
concert au Lincoln Center. L’orchestre a très bien
joué. Il faut que le son des cordes se développe, se
solidifie, il nous faut plus de programme. La situation de
l’ensemble est complexe : il couvre un répertoire qui
va du début du dix-septième à la fin du
dix-huitième. Quand on donne des madrigaux avec deux violons ou
quand on fait L’Orfeo pendant deux, trois, quatre mois, l’orchestre ne joue pas assez. Ce n’est pas simple de mener tout de front.
Vous n’aurez pas assez d’une vie pour tout faire !
Je suis un peu
boulimique. J’ai l’impression que je suis heureuse si je
peux voir tous mes amis souvent, beaucoup, écouter et faire
toute la musique que j’aime souvent et beaucoup…
C’est la transition rêvée pour un questionnaire de Proust arrangé.
Quel est votre principal trait de caractère ?
La persévérance
La qualité que vous préférez chez un homme ?
La douceur
Et chez une femme ?
La profondeur
Ce que vous préférez chez vos amis ?
La sincérité
Votre principal défaut ?
Je suis très têtue
Votre idée du bonheur ?
Je pense que je suis
très heureuse, mais il y a tellement de choses qui se passent,
que parfois, je n’ai même pas le temps de les savourer.
Si vous n’étiez pas vous-même, qui aimeriez-vous être ?
Ce serait trop présomptueux de le dire, mais ce serait Jean-Sébastien Bach [Rires]
Mais nous saurions peut-être enfin s’il souhaitait un chanteur par partie…
Oui, juste pour être dans le secret des dieux !
Quelle est votre couleur préférée ?
Le bleu
Vos auteurs favoris en prose ?
Proust, justement, Marguerite Yourcenar et Alejo Carpentier
Et en poésie ?
Gérard de Nerval
Vos peintres favoris ?
Degas, j’aime beaucoup Modigliani
Cinq compositeurs pour l’île déserte ?
Bach, Stravinsky, Monteverdi, Rameau, Purcell
Vos films favoris ?
Paris Texas ; Les enfants du Paradis
Votre nourriture favorite ?
La cuisine exotique,
asiatique en particulier, la cuisine thaïlandaise, j’adore
la coriandre, le lait de coco, la citronnelle, j’aime beaucoup
les épices
Pour quelle faute avez-vous le plus d’indulgence ?
L’étourderie
Votre devise ?
Je ne sais pas… L’orchestre : un pour tous, tous pour un.
Interview réalisée à Lille, le 19 mai 2007
par Bernard Schreuders
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