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Entretien avec Philippe Jaroussky
13 octobre 2002
(Photo : Philippe Jaroussky)
Le
chant s'élève et vous tendez l'oreille, ébloui, incrédule,
confondu par tant de lumière, de naturel et de grâce. De
grâce, oui ! Les cyniques, les désenchantés et autres
esprits chagrins ricaneront sans doute. Pourtant le mot n'a jamais été
si juste, si pertinent. Certes, il est difficile pour l'auditeur enthousiaste,
exalté, de résister aux envolées lyriques : elles
offrent une contenance face au mystère d'un timbre, d'une beauté
à nulle autre pareille, qui défient le temps et les catégories.
Philippe Jaroussky chante comme il respire : depuis toujours, sans se poser
de questions, avec une aisance et une simplicité désarmantes.
Ce don, que d'aucuns gâteraient en cédant aux succès
faciles et aux mirages du showbiz, il le met au service de sa passion,
généreuse mais réfléchie, pour la musique baroque.
En trois ans, son parcours, jalonné de chefs-d'oeuvre, denses, exigeants
(Messe en si, la trilogie des opéras et les Vêpres
à la Vierge de Monteverdi...), mais aussi de découvertes
excitantes et de splendeurs inédites (I Strali d'Amore de Cavalli,
Il
Sedecia de Scarlatti, La Verità in cimento de Vivaldi),
augure un avenir brillant et riches en surprises, car ce jeune contre-ténor
partage la fièvre des explorateurs, cette capacité d'émerveillement
qui animent aussi les musiciens qui l'ont dirigé et guidé
: Gérard Lesne, Jean-Claude Malgoire, Gabriel Garrido, Jean Tubéry
et Jean-Christophe Spinozi...
Philippe Jaroussky sera
en concert au Palais-Royal, le 21 octobre à 20h30. Au programme
: des oeuvres de Monteverdi, Ferrari, Frescobaldi et Barbara Strozzi.
[ Critique
de ce concert (note du 23/10/02) ]
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Que
vous est-il arrivé au moment de la mue ?
Rien de particulier, en
fait. Je n'ai pas fait partie d'une maîtrise lorsque j'étais
enfant, mais je m'amusais à chanter en voix de tête pour le
plaisir, et cela également pendant la mue. Je pense que cela m'a
peut-être aidé à conserver cette agilité dans
l'aigu.
Vous
avez étudié le violon et le piano, mais, finalement, vous
avez opté pour le chant. Comment ce choix s'est-il fait ?
En fait, j'ai rencontré
à l'âge de dix huit ans Nicole Fallien, qui est toujours ma
professeur, et l'apprentissage du chant fut pour moi une libération.
Mes parents n'étant pas musiciens, ce n'est qu'au collège
qu'on m'a conseillé d'apprendre la musique. Évidemment, j'avais
onze ans, j'adorais le violon, mais je l'ai commencé malheureusement
un peu tard. J'ai débuté le piano à quinze ans, avec
l'idée de me diriger vers des études plus théoriques
(écriture, direction d'orchestre). Ce qui m'a beaucoup plu dans
le chant, c'est d'abord le fait que j'avais une facilité naturelle
certaine, et que je me suis senti très jeune, ce qui n'était
pas le cas avec les instruments. C'est devenu assez logique, très
vite : au bout d'un an d'étude, j'ai senti que je ferai du chant.
Je suis entré au CNR de Paris, dans le département de musique
ancienne, où je suis resté quatre ans, et où je me
suis de plus en plus passionné pour ce répertoire. Le chant
pour moi, c'est une chance : ce que je voulais, c'était interpréter,
et cela, je le sens profondément.
Avec
la mue, avez-vous, malgré tout, développé un registre
de poitrine, de baryton ou de ténor ?
Oui, bien sûr, j'ai
une voix de baryton très commune sans graves et sans aigus ! [Rires]
Le choix entre les deux tessitures s'est donc imposé très
vite en accord avec ma professeur.
Quelque
part, le mystère reste entier... C'est fascinant ?
[Rires]
Il
y a une réelle confusion sur le plan du vocabulaire, certains jouent
même là-dessus : on vous appelle tour à tour contre-ténor,
alto, sopraniste, même haute-contre, ce qui ne veut rien dire, puisque
vous n'êtes pas ténor. En fait, on pourrait vous considérer
comme un soprano naturel, puisque vous n'avez jamais travaillé comme
un contre-ténor, mais toujours chanté en voix de tête...
Non, c'est faux, je me considère
comme contre-ténor, car ce terme ne désigne pas une tessiture...
Effectivement,
c'est une technique...
Oui, je suis simplement
un contre-ténor aigu...
Mais
chez certains contre-ténors ou "sopranistes", l'aigu est parfois
un peu strident, acide, or, il y a chez vous une pureté, un naturel
et une douceur incroyables ; est-ce dû au fait que vous avez toujours
chanté en soprano, sans jamais être interrompu par la mue
?
Oui, mais je ne suis pas
un "sopraniste" très aigu. Par exemple, vous avez entendu Jacek
Laszczkowski dans Catone in Utica de Vivaldi, qui monte beaucoup
plus haut, mais qui n'a pas forcément toute la tessiture d'un contre-ténor,
puisque, à la base, il est ténor ; il obtient cependant des
résultats magnifiques. De toute façon, je me méfie
beaucoup du terme "sopraniste"...
Quel
serait le bon terme pour vous ? Mezzo ?
Non, plutôt contre-ténor
car ça me permet d'être plus à l'aise, de faire beaucoup
plus de choses : je peux chanter la Saint-Mathieu, je peux aussi
aborder des choses plus aiguës... J'ai vu qu'on avait indiqué
"sopraniste" pour les Vêpres de Monteverdi données
avec l'ensemble La Fenice dirigé par Jean Tubery. L'emploi ici est
justifié, car il s'agit ici d'une vraie tessiture de soprano au
diapason A=465Hz.
Mais
c'est dans la tessiture de mezzo que votre voix semble s'épanouir
- même si la voix de "mezzo" en tant que telle n'était pas
identifiée à l'époque baroque ...
Oui, par exemple, dans le
répertoire des castrats, je suis à l'aise dans des rôles
souvent confiés aujourd'hui à des mezzos ; mais certains
rôles resteront inaccessibles pour moi.
Par
contre, vous seriez tout à fait à l'aise dans le rôle-titre
de Serse [Haendel], vous en avez déjà chanté
certains airs...
Oui, en récital au
théâtre Grévin, j'ai chanté des airs de Serse
et d'Ariodante.
Et
vous seriez prêt à les aborder à la scène ...
Je crois que, malheureusement,
il faut être réaliste : Ariodante, c'est un rôle avec
des graves et une tessiture assez large où il est difficile de rivaliser
avec une femme, mais il y aurait un intérêt scénique
certain, je pense.
Et
en envisageant la fusion des registres ?
Peut-être aurai-je
un jour la projection suffisante dans le grave pour aborder Ariodante...le
problème est de conserver parallèlement les aigus !
Vous
pourriez alors jouer sur le contraste des registres, en clair-obscur...
Oui, mais jusqu'à
maintenant, cela n'a pas été une priorité, puisque
l'on m'a fait beaucoup travailler en tant que "sopraniste" et que le passage
dans le grave ne se posait pas vraiment.
Par
ailleurs, de nombreux chanteurs évitent de jouer sur les changements
de registre parce qu'ils fatiguent beaucoup la voix...
Pas forcément, mais
je crois que j'ai intérêt à rester dans une voix de
tête ou mixte ; c'est pourquoi j'aime bien aborder des parties plus
graves, car cela me fait travailler la rondeur et la projection dans cette
zone délicate de la voix. Être constamment dans les hauteurs
de la voix de tête me demande beaucoup plus d'efforts physiques que
pour un soprano féminin, même si cela ne s'entend pas forcément.
C'est
ce qui est merveilleux...
Je dois être cependant
vigilant, car cette tessiture extrême ne doit pas altérer
ou fatiguer ma voix. Le choix de mes engagements est donc toujours une
jonglerie entre l'envie de chanter certaines pièces et la nécessité
de me préserver.
Prenons
le rôle de Néron dans l'Agrippina de Haendel [une
prise de rôle cette saison] : même si certains contre-ténors
l'ont déjà interprété [par exemple Derek Lee
Ragin], c'est une partie assez tendue pour une voix de contre-ténor,
mais pas pour la vôtre...
Le rôle de Néron
est je crois , dans l'oeuvre de Haendel, assez idéal pour moi actuellement,
tant par la tessiture que par le côté juvénile du personnage.
Et
Sesto ?
Ce rôle me plaît
énormément et j'espère avoir le bonheur de le chanter
bientôt.
J'aimerais
que nous reparlions du Couronnement de Poppée, qu'on vous
voyait répéter sous la direction de Jean-Claude Malgoire,
dans une émission d'Ève Ruggieri. Le public est plutôt
habitué à un mezzo dans le rôle de Néron ou
même à un ténor, les transpositions n'étant
pas rares. Or, avec la fraîcheur et la délicatesse de votre
timbre, le personnage prend un relief inédit et tout à fait
particulier...
C'est ce qui intéressait
Jean-Claude Malgoire : dans sa conception du Couronnement, tous
les personnages sont très jeunes, même Octavie. Dans cette
jeunesse qu'on peut apporter au rôle de Néron, on peut sentir
encore l'emprise d'Agrippine, qui est morte, mais depuis peu de temps.
C'est un personnage au sortir de l'adolescence qui se révolte contre
Sénèque, découvre les jeux du pouvoir et de l'amour.
Je pense qu'il est beaucoup plus intéressant de montrer la folie
naissante au troisième acte que d'en faire un personnage caricatural
dès le début de l'opéra.
On
le voit souvent sous un jour exclusivement négatif et réducteur
...
Oui, alors que je pense
que c'est un personnage beaucoup plus complexe, sensible, poète.
Le
personnage est moins approfondi chez Haendel, en tout cas, il est assez
différent...
Oui, ici c'est tout simplement
un adolescent capricieux et fourbe, comme sa mère. Pour moi Agrippina,
c'est l'opéra-comique de Haendel et sûrement l'un des plus
amusants à mettre en scène, grâce à la finesse,
à l'humour et au rythme du livret.
Aujourd'hui,
une partie du public et de la critique refuse, a priori, la présence
des sopranistes et des contre-ténors dans les rôles écrits
pour des castrats, ce qui était le cas de Selim dans La Verità
in Cimento. Comment composer avec ce rejet ?
Je ne crois pas que le contre-ténor,
quand il passe une audition et qu'il est en concurrence avec des femmes,
soit forcément en mauvaise posture. Cela dépend énormément
des chefs et des metteurs en scène. Quand j'ai passé l'audition
pour La Verità in Cimento, le metteur en scène [Christian
Gangneron] n'imaginait même pas auditionner un sopraniste pour Selim,
car il ne pensait absolument pas à un homme pour ce rôle.
Mais la couleur vocale et l'intérêt d'avoir les deux frères
ennemis interprétés par des hommes sur scène ont fini
par le séduire.
C'est
assez curieux, sinon paradoxal : aujourd'hui, c'est le réalisme
de certains metteurs en scène qui vous permet d'aborder des rôles
de castrats, alors que ce même réalisme est aux antipodes
de l'esthétique de l'opera seria, dans laquelle la féminité
et la masculinité étaient stylisées, abstraites...
Oui, d'ailleurs l'ambiguïté
sexuelle fascinait dans les deux sens : des femmes contraltos jouaient
des rôles d'homme, alors que des sopranos masculins interprétaient
parfois des femmes.
Dans
une sérénade de Hasse, Vittoria Tesi campait Antoine et Farinelli,
Cléopâtre ...
Le chant touche au
plus profond, au plus intime de l'être et à notre conception
de l'identité sexuelle... Depuis le dix-neuvième siècle,
nous avons oublié que le mot soprano est masculin et nous l'associons
à une diva. Les contre-ténors et les sopranistes remettent
en question des choses fondamentales et c'est peut-être pour cela
qu'ils fascinent, mais créent aussi un malaise ...
De toute façon, j'ai
toujours remarqué, par exemple dans la Verità in Cimento,
que lorsque j'entrais en scène et chantais les premières
notes, je sentais un léger malaise dans le public. Cette conception
des répartitions vocales est tellement loin de notre époque.
Pour
en revenir aux questions de répertoire et d'authenticité,
qui font encore couler beaucoup d'encre, que répondez-vous à
ceux qui vous reprochent de chanter des motets de Couperin et de Charpentier,
comme vous l'avez fait à Paris, alors que les falsettistes étaient
très peu prisés par leurs contemporains ?
Honnêtement, ce sont
des incursions pour moi, je sais que ma vraie spécialité
est la musique italienne. Malheureusement, ma tessiture actuelle ne me
permet pas de chanter les parties de haute-contre comme l'ont si bien fait
Gérard Lesne ou Henri Ledroit. Mais j'aime beaucoup chanter des
motets pour soprano, et il y avait d'ailleurs quelques castrats italiens
attachés à la chapelle royale... De plus je ne suis pas un
intégriste de l'authenticité historique.
J'ai
été, a priori, surpris de voir un lamento de Barbara
Strozzi dans le programme du concert que vous allez donner au Palais-Royal...
Faut-il encore y voir le goût de l'ambiguïté ?
On sait qu'elle chantait
elle-même ses oeuvres, mais il se trouve que la plupart des lamenti
ont un texte "masculin" : je me l'approprie donc sans scrupule [Rires]
parce que la musique est tout simplement sublime.
Depuis
le film de Gérard Corbiau, Farinelli est à la mode : des
sopranistes comme Arno Raunig ou Angelo Manzotti se sont lancés
dans son répertoire, René Jacobs vient d'ornementer quelques
arias pour Vivica Genaux, Cecilia Bartoli prépare sa réplique...
Excellente nouvelle ! j'ai
entendu sa magnifique interprétation du Son qual nave [de
Hasse] en concert. J'attends son disque avec impatience.
Vous
comptez également rendre hommage aux castrats, mais dans une autre
optique...
Je trouve en effet dommage
de réduire l'histoire des castrats à Farinelli, qui n'a pas
créé beaucoup de chefs-d'oeuvre, et dont la carrière
fut assez courte, alors qu'il y a eu d'autres chanteurs magnifiques. Je
m'intéresse notamment à Caffarelli et à Carestini...
N'évoluaient-ils
pas justement dans une tessiture de mezzo ?
Caffarelli était
soprano, écoutez Sesto dans La clémence de Titus [de
Gluck], qui a été écrit pour lui. Mais je m'intéresse
surtout à Carestini, car la couleur de la voix était certainement
plus sombre. C'est lui qui a créé Ariodante, Ruggiero dans
Alcina
... Tous les témoignages que j'ai pu voir de sa vocalité
sont assez fascinants - le rôle d'Ariodante est sans doute le plus
difficile qu'Haendel ait écrit pour un castrat. J'aimerais bien
construire un programme autour d'un personnage plus méconnu comme
lui et aussi composer un récital Hasse : il y là un vaste
choix d'arias qui permettrait, un peu comme Bartoli l'a fait avec Gluck,
de proposer un récital extrêmement intéressant, avec
des récitatifs accompagnés magnifiques...
Et
de rompre avec l'image réductrice du castrat essentiellement virtuose,
induite, à tort, par la vogue de Farinelli, alors que les castrats
étaient aussi réputés pour l'expressivité de
leur chant...
Beaucoup de témoignages
de l'époque dénoncent en effet l'abus d'ornements qui finissait
par desservir la musique au profit de la seule personnalité du castrat,
mais beaucoup affirment, en effet, que leurs voix avaient un pouvoir émotionnel
incroyable ( certains auditeurs s'évanouissaient même !)
Vous
êtes conscient du potentiel érotique de votre voix ?
Pas vraiment. Comme je suis
instrumentiste de formation, au départ, je voyais le chant de façon
plus rationnelle. Mais j'ai un peu changé, justement en travaillant
ces pièces du dix-septième qui sont d'un érotisme
et d'une sensualité incroyables, j'ai alors essayé de développer
cet aspect. Je pense avoir évolué depuis Il
Sedecia [enregistré en 1999] : quand je l'écoute,
j'entends plus un enfant : aujourd'hui je veux développer ma palette
expressive. Cecilia Bartoli est incontestablement un très grand
modèle pour moi, car elle va très loin dans ce domaine.
Philippe
Sollers parle d'érotisation du chant à son égard,
c'est presque de la sensualité à l'état pur...
Oui, c'est extraordinaire....
Avec un timbre de contre-ténor, c'est peut-être moins évident,
en tout cas très différent.
Quand
on entend Jacek Laszczkowski [ V.Discographie
: Catone in
Utica] filer des aigus pianissimo d'une impalpable douceur, on
se dit que pas mal de sopranos doivent le jalouser...
Ah oui ! Il y en a beaucoup
! [Rires]. C'est quelqu'un d'éminemment virtuose et de très
extraverti, comme je n'ai pas sa tessiture ni sa virtuosité, je
me tourne naturellement vers des choses plus intérieures. J'aime
cependant beaucoup le répertoire virtuose de l'opera seria
pour les possibilités de variations qu'il offre dans les Da capo.
L'ornementation,
qui est fondamentale dans la musique baroque et pas seulement dans la virtuosité,
exige des chanteurs libres, qui ont de l'imagination et de la personnalité
et s'impliquent, ce que vous faites dans La Morte delusa, par exemple...
Oui, c'est vrai qu'une oeuvre
comme La Morte delusa de Bassani, qui est très belle, a demandé
un travail de recréation qui s'est révélé passionnant.
Dans
un répertoire plus connu, vous allez interpréter le Stabat
Mater de Pergolesi aux côtés de Salomé Haller et
le Nisi Dominus de Vivaldi, une oeuvre hérissée de
difficultés et que très peu de contre-ténors osent
chanter en concert...
C'est, en ce qui me concerne,
une oeuvre dans laquelle je me sens très à l'aise, beaucoup
plus que dans le Stabat Mater de Vivaldi, qui, lui, est souvent
donné par les contre-ténors. Cela vient du fait que le Nisi
est écrit pour un alto plutôt aigu, je pense notamment au
"Cum dederit". Je l'ai chanté plusieurs fois cet été
avec l'ensemble Matheus et également avec Jean-Claude Malgoire à
Reims, avec, toujours, un plaisir immense.
Le
"Cum dederit" est d'une rare sensualité...
C'est une pièce qui
ne ressemble à aucune autre et qui suscite toujours beaucoup d'émotions
dans le public. C'est aussi redoutable pour tous les chanteurs !
Les
Trois Soeurs d' Eötvös en témoignait encore
récemment, depuis le renouveau des contre-ténors amorcé
au vingtième siècle, les compositeurs s'intéressent
aux voix masculines très aiguës, est-ce que la création
vous attire ?
Oui. Je pense qu'une voix
de contre-ténor comme la mienne, avec une certaine largeur dans
l'aigu, pourrait intéresser des compositeurs, d'autant que la musique
contemporaine sollicite beaucoup les extrêmes. Il y a des projets
en cours, notamment la création d'une pièce de Nicolas Bacri,
avec l'ensemble Matheus.
Vous
êtes sur le point d'enregistrer votre premier disque en soliste...
Oui, il sera entièrement
consacré à Benedetto Ferrari.
Un
compositeur que l'on découvre à peine...
Oui, car nous avons malheureusement
conservé peu de choses de son oeuvre : ses trois livres de Musiche
varie et un oratorio, Il Sansone, enregistré par Alan
Curtis [chez Virgin] ; nous avons aussi le duo final du Couronnement
de Poppée [de Monteverdi]. Ses trois livres sont extraordinaires
: d'une complexité, d'une variété et d'une richesse
fabuleuses.
On
en connaît que quelques pièces...
Il y a quelques disques
récents. Une heure de musique de Ferrari, c'est un travail immense,
dans la préparation du continuo, de la déclamation, etc.
Donc, je me suis entouré de personnes avec lesquelles j'avais envie
de travailler, j'ai choisi les pièces... C'est passionnant, parce
que c'est en quelque sorte mon premier bébé et que la maison
de disques m'a fait entièrement confiance. C'est un projet très
personnel, car je n'avais pas trop envie de sortir la dernière compilation
d'arias de Haendel ni de projeter l'image du dernier contre-ténor
à la mode...
C'est
important de se distinguer, dès le départ, en particulier
face à cette vogue...
Oui, je pense que j'ai tout
le temps pour enregistrer des pièces plus célèbres,
et qui sont déjà très bien défendues dans la
discographie.
Ce
récital sortira chez Ambroisie ?
Oui, probablement en mars,
ce n'est pas encore sûr.
(Photo : Philippe Jaroussky)
Seriez-vous
d'accord pour changer de style et vous lancer... dans le questionnaire
de Proust ?
Ça va être
amusant ! J'avoue que c'est mon premier...
Quel
est le principal trait de votre caractère, Philippe Jaroussky ?
La détermination.
N'ayons pas peur.
La
qualité que vous désirez chez un homme ?
La franchise.
Et
chez une femme ?
La sensibilité.
Ce
que vous appréciez le plus chez vos amis ?
De pouvoir leur faire confiance
; c'est peut-être pour ça qu'on a peu d'amis dans la vie,
de vrais amis.
Votre
principal défaut ?
L'impatience ; qui est peut-être
aussi la conséquence de la détermination.
Quel
serait votre plus grand malheur ?
De ne plus pouvoir chanter
du jour au lendemain, je pense que ce serait très dur.
Votre
occupation préférée ?
Être en compagnie
de mes amis.
Votre
rêve de bonheur ?
Ce n'est pas évident.
Peut-être de pouvoir m'entourer de tous les gens que j'aimerais avoir
à mes côtés et de faire de la musique avec eux, le
plus longtemps possible.
La
couleur que vous préférez ?
Le vert.
La
fleur que vous aimez ?
L'orchidée.
L'oiseau
que vous préférez ?
La chouette.
Vos
auteurs favoris en prose ?
Parmi
les
auteurs actuels, j'aime beaucoup Amélie Nothomb.
Vos
poètes préférés ?
Verlaine.
Vos
compositeurs préférés ?
Haendel et Chostakovitch.
Vos
héros dans la fiction ?
Lorenzaccio.
Vos
héros dans la vie réelle ?
Bartoli [Rires]
Ce
que vous détestez par dessus tout ?
L'hypocrisie.
Quel
est le don de la nature que vous aimeriez avoir ?
Si je
n'avais pas été musicien, j'aurais adoré être
peintre.
Votre
devise ?
Je n'en
ai pas. [Rires]
Propos recueillis
par Bernard Schreuders
Philippe Jaroussky à
l'affiche...
21
octobre 2002, Théâtre du Palais-Royal, 20h30
"L'Italie baroque" (Ferrari,
Frescobaldi, Monteverdi ,Strozzi), avec Yoko Nakamura (clavecin), Christine
Plubeau (viole de gambe) et Nanja Bredijk (harpe) Claire Antonini ( théorbe)
6 novembre 2002, Quartz de
Brest, 20h30
Vivaldi, airs et duos d'opéra,
avec Veronica Cangemi (soprano) et l'Ensemble Matheus, Jean-Christophe
Spinosi, dir.
21, 22 et 23 novembre 2002
église de Genes les
Carmes (Clermont-Ferrand), 20h30 : Preisner, Requiem, avec Liliana
Faraon, Sandrine Rondot et Renaud Delaigue
28 et 29 novembre 2002, Théâtre
Gyptis (Marseille) : L'Incoronazione di Poppea,Jean-Marc Aymes,
dir.
Du 23 au 26 janvier 2003,
Nantes
Les Folles Journées
: Vivaldi, Nisi Dominus
2 février 2003, Théâtre
du Châtelet, 11 h
Pergolesi : Stabat Mater
; Vivaldi : Nisi Dominus, avec Salomé Haller, La Grande Écurie
et la Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire, dir.
6, 8 (Saint-Quentin-en-Yvelines)
; 12 (Orléans) ; 16 (Clermont-Ferrand) ; 21, 23 (m), 25 (Tourcoing)
; 29 mars (Théâtre des Champs-Élysées, version
de concert) ; 1er (Brest); 5, 6 (m), 8 avril 2003 (Rennes)
Haendel, Agrippina,
avec Véronique Gens, Donata d'Annunzio-Lombardi, Nigel Smith, Thierry
Grégoire, Fabrice di Falco, Bernard Deletré, Alain Buet,
Jean-Claude Malgoire, dir.
12 avril 2003, Sablé-sur-Sarthe,
centre culturel, 20h30 : Vivaldi, Pärt, Chants polyphoniques corses,
Bacri (avec les ensembles Matheus et A Cumpagnya)
4 juin 2003, Quartz de Brest,
20h30 : idem
... et au disque
Giorgio Bassani, La
morte delusa, La Fenice, Jean Tubéry, dir., Opus 111/Naïve
Pierre Menault, Vêpres
pour le Père Lachaise, La Fenice, Jean Tubéry, dir.,
K 617
Claudio Monteverdi, L'Incoronazione
di Poppea [Mercurio, Famigliare di Seneca], Coro Antonio Il Verso,
Ensemble Elyma, Gabriel Garrido, direction et réalisation musicale,
K 617
Alessandro Scarlatti, Il
Sedecia, Il Seminario Musicale, Gérard Lesne, dir.,
Virgin Classic
Antonio Vivaldi, Catone
in Utica, La Grande Écurie et la Chambre du Roy, Jean-Claude
Malgoire, dir., Dynamic
A paraître, chez Ambroisie
: un récital consacré à Benedetto Ferrari
chez Naïve : La
Verità in cimento de Vivaldi avec l'ensemble Matheus
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