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PARIS
30/01/2006
© Opéra de Paris
Giacomo PUCCINI (1858-1924)
Madama Butterfly
Tragédie japonaise en trois actes (1904)
Livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
D’après la pièce de David Belasco,
adaptée d’une nouvelle de John Luther Long
Mise en scène et décors : Robert Wilson
Costumes : Frida Parmeggiani
Éclairages : Heinrich Brunke et Robert Wilson
Chorégraphie : Suzushi Hanayagi
Dramaturgie : Holm Keller
Cio-Cio San : Hui He
Suzuki : Ekaterina Gubanova
F. B. Pinkerton : Marco Berti
Sharpless : Dwayne Croft
Goro : Burkhard Ulrich
Il Commissario Imperiale : Yuri Kissin
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Direction musicale : Marco Balderi
Chef des Choeurs : Peter Burian
Paris, Opéra Bastille, le 30 janvier 2006, 19h30
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Balderi au pilori
On a tendance à l’oublier : la réussite
d’une représentation d’opéra ne dépend
pas des chanteurs, encore moins du metteur en scène. Non, elle
repose sur les épaules d’un seul et même homme : le
chef d’orchestre. Marco Balderi en fait la démonstration
par l’absurde lors de cette reprise de Madama Butterfly à l’Opéra Bastille.
Car la mise en scène du sempiternel Bob Wilson n’appelle
cette fois aucun reproche. Elle est même, à notre avis,
l’une des plus abouties parmi celles que le Texan présenta
à Paris, loin des contresens abstraits de Die Walküre, de l’apathie de Pelléas et Mélisande, de la compulsion absurde de Die frau ohne schatten, du boitement éhonté de Die Zauberflöte
amputé de ses dialogues. L’oeuvre de Puccini rejoint
à travers ses origines nippones le geste wilsonien largement
inspiré du nô. A son contact, magnifiée par la
splendeur des éclairages, elle se débarrasse de ses
excès mélodramatiques, et trouve, par un bel effet de
contraste, dans la lenteur et la raideur de la scénographie, une
force nouvelle.
Car Hui He est l’une des meilleures titulaires du rôle
à l’heure actuelle. L’immensité de la salle
ne lui permet pas, comme à Bordeaux il y a quelques
années, de modeler son interprétation sur les affres de
l’héroïne mais elle en possède l'ampleur
tragique, l’intensité que révèlent
l’étoffe onctueuse du timbre et la somptuosité de
l’aigu.
Car le reste de la distribution, sans atteindre ce même niveau,
ne déçoit pas. Le raffinement n’est pas la
première des qualités de Marco Berti. Pinkerton affiche
d’habitude un peu moins de muscles ; sa terrible
inconséquence, sa lâcheté, son charme
requièrent une autre psychologie. Le ténor n’en
demeure pas moins efficace. A ses côtés, Ekaterina
Gubanova, Dwayne Croft et Burkhard Ulrich remplissent honorablement
leur mince contrat.
Car l’orchestre lui-même ne démérite pas, au
contraire, et déplie comme il convient l’éventail
des couleurs d’une partition dont la richesse apparaît
aujourd’hui comme une évidence.
Mais Marco Balderi n’en comprend pas la délicate
mécanique et, distendant le ressort, prive le drame
d’armature, le désarticule. La musique glisse flasque,
l’émotion s’absente ; la soirée sombre.
A ce défaut de structure, s’ajoutent des problèmes
d’équilibre sonore. Le chef contrôle mal les
volumes. Les chanteurs, impitoyablement couverts, sont obligés
pour pouvoir se faire entendre d’oublier les nuances et
d’abuser du forte.
A sa décharge, l’acoustique de l’Opéra
Bastille demande une certaine pratique avant d’être, autant
que possible, maîtrisée. James Conlon et Myung-Whun Chung,
quels que soient par ailleurs leurs défauts, étaient
parvenus à dompter la bête. La politique de Gérard
Mortier prouve là aussi ses limites. A quand, pour éviter
un tel gâchis, la nomination d’un directeur musical
permanent au sein de la première institution lyrique
française ?
Christophe Rizoud
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