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PARIS
02/06/2007
© DR
Richard WAGNER
LOHENGRIN
Opéra romantique en trois actes
Livret du compositeur
Direction musicale : Michael Güttler
Mise en scène : Robert Carsen
Décors et costumes : Paul Steinberg
Lumières : Dominique Bruguière
Chef des chœurs : Peter Burian
Lohengrin : Ben Heppner
Elsa : Mireille Delunsch
Ortrud : Waltraud Meier
Friedrich von Telramund : Jean-Philippe Lafont
Le Roi Heinrich : Jan-Hendrik Rootering
Le héraut du Roi: Evgeny Nikitin
Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Paris
Paris, Opéra Bastille, le 2 Juin 2007
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A deux doigts du Graal
Les Contes d’Hoffmann, Capriccio, Rusalka,…
Robert Carsen aura produit certains des plus beaux spectacles du
répertoire de l’Opéra de Paris. Son Lohengrin,
cependant, n’atteint pas un tel niveau. On nous montre
d’abord la détresse et le désoeuvrement du peuple,
errant autour des débris d’un vieux blockhaus,
terrorisé par des policiers qui peuvent éventuellement
rappeler des milices SS. On nous montre alors combien Lohengrin est
important pour eux, que sa venue est perçue en signe
d’espoir, et, pour ainsi dire, en Messie. On nous montre donc
à quel point son départ est cruel, même si le
retour du jeune Gottfried, après son passage au service du
Graal, est un heureux présage (le jeune frère
d’Elsa plante un arbrisseau, au milieu du béton
armé…). Cependant, la manière pose parfois
problème : l’arrivée de Lohengrin, au milieu
d’une forêt luxuriante, est très kitsch. Et la place
du village ainsi que la chambre nuptiale sont tellement laides
qu’on en arrive à se demander si le Chevalier au Cygne
n’est pas soulagé de devoir repartir ! Heureusement,
on peut alors compter sur la direction d’acteur, cohérente
et lisible, pour sauver l’honneur du spectacle et la
réputation de Carsen : même s’il ne
s’agit pas de sa meilleure réalisation, son Lohengrin est
certes bien pensé, et intelligemment mené.
Mais plus que la mise en scène, c’est la distribution qui
nous fait passer une excellente soirée : Ben Heppner
n’est pas l’acteur du siècle, mais on lui pardonne
bien volontiers tant son art, cette manière inimitable de
chanter Wagner comme du Mozart, son legato
exemplaire et sa facilité déconcertante à faire
sonner les mots sans jamais brusquer une ligne de chant quasi
irréprochable, est grand et merveilleux !
De la même façon que Ben Heppner connaît bien son
Lohengrin, Waltraud Meier connaît son Ortrud, depuis longtemps,
et, comme le ténor canadien, elle déclenchera aux saluts
d’impressionnantes ovations… pas tout à fait pour
les mêmes raisons, néanmoins. Si la voix est toujours
admirable de puissance et de solidité, les aigus accusent
désormais certaines tensions. Mais l’engagement
scénique balaye toutes les réserves. Pas de petites
crises d’hystérie ou de vociférations
méprisables chez cette Ortrud, mais une véritable rage,
altière, irrésistible et dévastatrice, une rage
hallucinée et hallucinante.
Face à ces deux incarnations majeures, Mireille Delunsch,
indéniablement, s’impose. Si le timbre ne possède
pas toute la luminosité que l’on voudrait, les accents et
les gestes de l’artiste forment une belle Elsa, une jeune fille
de caractère et de volonté plutôt qu’une
adolescente mièvre et fleur bleue. Evgeny Nikitin, quant
à lui, semble s’affirmer dans le répertoire
wagnérien, si bien qu’on attend impatiemment, toujours
à Bastille, son Klingsor (en mars 2008) et son Kurwenal (en novembre 2008).
Jean-Philippe Lafont et Jan-Hendrik Rootering déparent alors ce superbe casting,
mené de main de maître, avec une précision
analytique autant qu’avec une force enthousiasmante, par
Michael Güttler (Valery Gergiev, selon l’annonce,
n’était « pas en état de
diriger »). Le baryton français, vocalement
épuisé, n’est pas toujours audible tandis que la
basse allemande, également en mal de projection, ne semble
jamais s’investir dans son rôle. Un Telramund plus en forme
et un Heinrich plus charismatique auraient pourtant rendu cette
représentation exceptionnelle… celle-ci était tout
de même excellente : réjouissons-nous, le Graal
n’était pas si loin !
Clément TAILLIA
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