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LYON
26/06/2007
© Bertrand Stofleth / Alain Franchella
Wolgang Amadeus MOZART (1756-1791)
LES NOCES DE FIGARO
La Contessa, Juliane Banse
Susanna, Sophie Karthäuser
Il Conte, Markus Werba
Figaro, François Lis
Cherubino, Tove Dahlberg
Marzellina, Maryline Fallot
Bartolo, Antonio Abete
Basilio, Marc Molomot
Chœurs Orchestre de l’Opéra national de Lyon
William Christie
Mise en scène, Adrian Noble
Décors, Tom Pye
Costumes, Deirdre Clancy
Eclairages, Jean Kalman
Lyon, Opéra le 26 juin 2007
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Le plaisir tout simple d’un vrai spectacle
Passer des Noces d’Harnoncourt
à celles-ci en quelques jours, c’est une forme de grand
écart qui confine presque au plaisir masochiste. Et il faut bien
de la souplesse pour traverser le no man’s land qui sépare
le caravagisme freudien de M. H. du premier degré de Bill. Mais
attention ! Premier degré, ici, c’est pour moi un
vrai compliment ; un soupir de reconnaissance adressé au
chef. Un vrai, beau et grand satisfecit. Pour résumer : j’ai pris un plaisir fou ; ça change ; c’est bien !
Il n’y a, pourtant, pas beaucoup d’arrière-pensées dans la manière dont Christie
aborde l’œuvre. Et quand je dis qu’il l’aborde,
je devrais parler d’étreinte ; d’une prise
à bras-le-corps permanente. Christie aime cette musique ;
il l’embrasse d’un regard ; la couve tendrement. La
malmène-t-il, la brutalise-t-il qu’il le fait encore en
tyran de boudoir. Aucun dogmatisme ; pas de pose.
« Juste » (et c’est ici un drôle
d’euphémisme) un vrai plaisir de jouer. De jouer une
musique qui coule, des épisodes qui s’emboîtent,
s’imbriquent avec naturel ; d’agencer un discours tout
simple et fluide, sans vrais coups d’arrêt ni rupture.
Comme cela respire bien, cependant : dans le final du II, par
exemple ou encore au IV quand Susanne soupire sous les marronniers.
© Bertrand Stofleth / Alain Franchella
D’où vient, alors, cette impression de naturel
extrême (et extrêmement fabriqué à n’en
pas douter, ce qui est mieux encore) ? Du geste permanent de
gentleman du chef peut-être. De cette manière qu’il
a de jouer l’équilibre ; de caresser ses bois, de
soulever ses cordes ; d’attiser ses cuivres sans jamais
sacrifier à la nostalgie aussi (ce sera l’apanage de la
Comtesse bien-sûr, mais aussi, parfois, de Susanne).
Au-delà de ça, sincèrement, je n’ai pas
ressenti le grand frisson avec la mise en scène. Je ne
l’ai même pas réellement saisie. Dites-moi si je me
trompe : il m’a semblé que cela devait se passer aux
Etats-Unis (les costumes militaires) dans une bâtisse qui doit
beaucoup (tout ?) à la Maison-Blanche ! Le tout
mélangeant (plutôt pas mal, d’ailleurs) modernisme
vaguement pompier (la fenêtre du II) et XVIIIe siècle de
carte postale (le IV est bien réussi de ce point de vue avec ses
toiles peintes gentiment surannées). Visuellement ce n’est
pas le choc (moins que dans le Così des mêmes) ; et
cela même si Noble suscite une mobilité
d’expressions et une variété de jeu
réjouissante sur le plateau, du burlesque à
d’autres rives, nettement plus douloureuses.
Avec le plateau, presque rien à redire, en revanche. Des
vétilles seulement ! Juste, peut-être, une
(très relative) déception du côté de Figaro.
François Lis
est une basse exceptionnelle ; en terme de timbre, de projection
et d’aisance. Mais cette grande, très grande voix blanchit
parfois dans l’effort et ne semble pas forcément apte
à l’allègement. Cela donne un jeune homme amoureux,
vaguement fruste qui, en d’autres temps, et avec son
jusqu’au-boutisme permanent, aurait sans doute coupé pas
mal de têtes Place de la Révolution ! A son Comte de
maître pour commencer. Markus Werba continue son exploration lyonnaise des grands rôles mozartiens (après la Flûte et Così).
Et même si l’on sent, ici et là, percer des limites
dans la dynamique, on redemande de ce Comte au timbre bandé,
affûté de jouisseur violent à la ligne vocale
athlétique ; on redemande de ces récitatifs suant
les hormones mal endiguées de jeune potentat pressé de
vivre !
© Bertrand Stofleth / Alain Franchella
Et les dames ? C’est presque un trio gagnant. Avec un Chérubin - Tove Dahlberg
- d’abord mouvant (et émouvant) qui commence à
prendre du poil un peu partout et jusque dans la voix ! Un
Chérubin drôle et tendre, tendu, palpitant dans ses airs
et petite frappe au jardin ; complexe. Bien vu ! Trio
gagnant, aussi, avec une Comtesse grande dame (Juliane Banse).
Une Comtesse amollie dans la chaleur de son foyer comme le sont les
bourgeoises alanguies de Zola chez qui la position
n’empêche ni les émois ni les doutes. Une Comtesse
aristocrate chez qui le sang parle au même rythme que le
cœur et qui dispose d’une voix immense, apte à tous
les dégradés pour jouer la fofolle et la tristesse, la
manigance et les émois d’une femme qui a encore une bonne
partie de sa vie devant elle.
Un paragraphe à part, enfin, est à réserver à Susanne. Ah ! Susanne… Sophie Karthäuser
fait un coup de maître pour sa prise de rôle. La voix est
là, sans qu’il y ait, d’ailleurs, de vrais
périls de ce côté. Une voix très
délicatement vibrante, riche, nourrie et qui passe la rampe avec
un beau naturel. Une voix qui porte les affres d’une petite femme
entre Liaisons dangereuses et « Ni putes ni soumises » ;
une petite femme bien trempée qui berne son monde pour que le
monde ne la berne pas, elle. Une petite femme amoureuse. Mais une
petite femme avec ce supplément de fraîcheur que
l’on connaissait chez Seefried, chez Streich, qui savaient
chanter sans en avoir trop l’air et qui est d’une
grande !
Tout cela, ce chef, cette équipe (et j’aurais dû détailler les comprimarii
qui valent tous, indépendamment les uns des autres) participe
à cet état de grâce qui est plus que de la musique
(ce qui annihile certaines critiques très objectives) : un
petit bout de vie détaché du temps.
Benoît BERGER
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