C O N C E R T S 
 
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LONDRES
09/07/05
© Tristram Kenton 
RIGOLETTO

Opéra en 3 actes de Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave
D'après la pièce de Victor Hugo

Production : David Mc Vicar
Assisté de : Leah Hausman
Décors : Michael Vale
et costumes : Tanya McCallin
Lumières : Paul Constable
Chorégraphie : Leah Hausman

Rigoletto : Dmitri Hvorostovsky
Gilda : Ekaterina Siurina
Le Duc de Mantoue : Rolando Villazon
Sparafucile : Eric Halfvarson
Maddalena : Viktoria Vizin
Monterone : Darren Jeffery
Giovanna : Elizabeth Sikora
Borsa: Robert Murray
Marullo: Jared Holt
Comtesse Ceprano : Dervla Ramsay
Ceprano : Graeme Braodbent
Un page : Andra Hazell
Le chef des gardes : Nigel Cliffe

Orchestre et Choeurs du Royal Opera
Direction : Edward Downes

Londres, Covent Garden, le 9 juillet 2005

MANTOUE, OU LES 120 JOURNEES DE SODOME

Nous connaissions le Faust de David McVicar, créé en ces mêmes lieux la saison dernière.
L'actuelle production de Rigoletto, qui remonte à 2001, utilise un peu les mêmes procédés : une provocation relativement sage, propre à séduire le bourgeois du XXIème siècle (qui autrement s'ennuierait), tout en s'exonérant vis-à-vis de la critique de toute accusation de passéisme.
Le décor est composé d'un élément unique tournant, lequel figure d'un côté la cour du duc (avec beaucoup d'imagination s'agissant d'un pan vertical incliné et d'une espèce de ponton), et de l'autre la maison de Rigoletto (à condition d'admettre que celui-ci puisse habiter un dépotoir). Le reste du plateau est vide, d'un gris uniforme et fermé sur trois côté, accentuant l'impression d'étouffement : à peine distingue-t-on une sorte de trou au fond gauche (d'où entrent et sortent les chanteurs) et une espèce de tas de charbon à droite.
Seuls les costumes viennent mettre un peu de richesse à cet ensemble misérable.
McVicar nous campe une cour de Mantoue totalement décadente ; la première scène nous montre des courtisans en pleine orgie (seins nus obligato pour quelques figurantes, voire nu intégrale pour une malheureuse sur laquelle la cour s'active) : le duc ne se prive pas de tripoter la fille de Monterone devant celui-ci ; Rigoletto enfonce un vagin avec sa béquille ; deux courtisans et une courtisane nous gratifient d'une démonstration sans équivoque de double pénétration ; le reste à l'avenant... La suite du spectacle est plus sage, au retour près des courtisans au début de l'acte III qui nous vaudra un regain d'actions croustillantes.

Bref, l'étalage typique qui aurait causé une émeute il y a 20 ans, qui aujourd'hui ne fait plus que soulever quelques sourcils et sur lequel on peut poser un regard plus ou moins positif suivant le degré de sincérité qu'on accorde au metteur en scène.

Il est en effet indéniable qu'on ne s'ennuie pas et on peut adhérer, malgré ses limites, à une vision d'une noirceur absolue qui transforme Rigoletto en un cauchemar digne des pires films d'horreur. Mais s'agit-il d'une véritable démarche théâtrale ou d'un simple "épate bourgeois" comme semble le démontrer un certain manque de cohérence sur la durée ?
Un marivaudage devient une orgie ; une courtisane est une putain ; un séducteur, un obsédé sexuel... que dire d'une société (la nôtre) incapable de comprendre les références du passé et dont le metteur en scène flatte la paresse au gré d'une vulgarité racoleuse et faussement provocatrice ?

Tout ceci en tout cas semble fort amuser Rolando Villazon qui campe un Duc particulièrement à l'aise scéniquement. Le chanteur est admirable de style et de nuances, jouant sur ses divers registres avec une aisance confondante, vocalisant superbement. On regrettera l'absence de suraigus (pas plus haut que le si de "La donna e mobile") qui font tomber un peu à plat la strette du duo avec Gilda ("Addio ! Addio !") et sa cabalette de l'acte III. A noter également, un timbre particulièrement phonogénique, mais beaucoup moins brillant à la scène. A ces maigres réserves près, l'un des Ducs les plus enthousiasmants qu'on puisse entendre en ce moment.

Ekaterina Siurina dispose d'une voix jeune, au timbre riche en harmoniques, suffisamment puissante pour les coups de tonnerre du dernier acte, mais aussi capable de raffinement pour une mort d'une grande musicalité. On regrettera là aussi l'absence des suraigus traditionnels : l'Addio déjà mentionné et le duo "Si vendetta". Une carence regrettable pour une voix nettement plus légère que celles de June Anderson, de Ruth Ann Swenson, de Joan Sutherland et de quelques autres à qui ces notes ne posent pas de problèmes. Une carrière à suivre en tout cas, comme Forum Opéra le notait déjà à l'occasion de sa Giulietta.

Nous étions habitués à Dmitri Hvorostovsky dans des rôles plutôt aristocratiques : Posa, Luna, Onéguine ou le Prince Yeletzky. Son Rigoletto est une véritable surprise, somptueusement chanté, à l'aise sur toute la tessiture (la bémol facultatif compris cette fois), avec une parfaite maîtrise du legato et de la coloration. Le personnage est tour à tour odieux et pitoyable : remarquable.

Des divers seconds rôles, généralement bien chantés, on retiendra surtout le Sparafucile d'Eric Halfvarson qui incarnait Hunding (lien vers la critique) en alternance : un véritable luxe.

Edward Downes est une sorte de maladie endémique de Covent Garden, un mildiou qui frappe les récoltes sans tout à fait les dévaster. Nous lui devons cette fois une direction métronomique, faisant fi des points d'orgue et de l'hérédité belcantiste de la partition : une sorte de riccardo-mutisme mal digéré, mécanique et sans inspiration, inattentif aux chanteurs. Ce n'est pas suffisamment mauvais pour affecter trop sensiblement le spectacle, ni assez insipide pour qu'on ne souffre pas de la présence d'un tel chef au pupitre. Reste qu'avec un vrai chef de théâtre à la baguette, ce spectacle aurait encore gagné en ampleur.
 
 

Placido CARREROTTI
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