L'Opéra de Metz a ouvert sa
saison 2004-2005 avec une Tosca importée d'Avignon, en lieu
et place des rarissimes Orazi e Curiazi de Mercadante qu'avait envisagés
le précédent directeur, Laurence Dale, démissionnaire
pour cause d'impossible entente avec la municipalité messine sur
des coûts financiers que cette dernière jugeait trop importants.
Bien que Metz ait déjà affiché deux autres Tosca
en 1992 et 1998, le public messin a semblé rassuré de retrouver
ses habitudes et le célèbre ouvrage de Puccini n'a eu aucune
difficulté à remplir la salle de l'Opéra-Théâtre.
Il faut hélas reconnaître que Gustave
III d'Auber ou Médée
de Cherubini, productions pourtant très réussies de la saison
dernière, n'avaient pas fait autant d'entrées.
La nouvelle direction nous a proposé
une lecture d'un classicisme qui confine au conventionnel. Les décors
d' Emmanuelle Favre, composés de parois verticales et d'un escalier
en fond de scène (la tarte à la crème des mises en
scène d'opéra !), agrémentés seulement des
quelques éléments nécessaires à la caractérisation
des divers lieux où se déroule le drame, relève de
l'iconographie traditionnelle archi-rebattue. Seul élément
constant, le tableau de Marie-Madeleine, que peint Cavaradossi au 1er acte,
domine les trois actes de sa piété. La mise en scène
de Nadine Duffaut s'avère sans surprise, en suivant très
fidèlement le livret. Les rares moments où elle s'écarte
de la tradition, tombent un peu à plat, voire frisent parfois le
ridicule : aucune pantomime de Tosca avec cierges et crucifix autour du
cadavre de Scarpia, qu'elle recouvre sobrement de sa mantille en se lavant
compulsivement les mains du sang de Scarpia pendant le "O dolci mani",
aucun saut du Château Saint-Ange, l'héroïne disparaissant
simplement, les bras levés, derrière le rideau de fond de
scène...
La soprano française Valérie
Millot incarne une Tosca convaincante, un rôle qu'elle a déjà
chanté, notamment à Dijon. Certes, le vibrato s'est accentué
dans l'aigu, le médium est un peu grêle et la texture vocale
tend à se raréfier dans les piani, mais elle affronte
crânement les difficultés vocales du rôle. Très
engagée dramatiquement, frémissante au 1er acte, désespérée
puis agressive au 2ème, volontaire au 3ème, elle est totalement
crédible dans les différentes facettes du personnage. C'est
peut-être cet engagement de tous les instants qui explique sa fatigue
perceptible en fin de spectacle, ce petit accident sur le contre-ut de
"Quella lama" et certaines difficultés dans le duo final avec Mario.
Son amoureux de peintre était
le ténor australien Dominic Natoli, remarqué la saison dernière
à Metz dans le rôle-titre de Gustavo
III). Scéniquement, il a du mal à être crédible
en jeune premier et offre un jeu assez sommaire. Vocalement, son premier
acte déçoit ; l'émission est engorgée, l'aigu
court et pris par en dessous... "On dirait du sous-Galouzine" me confiera
un ami à l'entracte. Heureusement, la voix se libère par
la suite ; "Vittoria !" est triomphant comme il se doit, "E lucevan le
stelle" emporte l'adhésion en dépit du tempo étiré
qu'impose le chef, la vaillance et le brillant inhérents à
tout Cavaradossi sont enfin retrouvés.
Alain Fondary renouait avec le vil
Scarpia qu'il a interprété à de nombreuses reprises
et en de multiples endroits. Ce n'est pas faire injure à la fabuleuse
carrière de cet immense baryton français que d'admettre que
ce énième Scarpia n'ajoutera rien à sa gloire. La
voix ne suit désormais plus les intentions de l'artiste, l'obligeant
à se réfugier dans le cri pour l'aigu et dans le parlando
pour le grave. Le métier ne compense pas tout et les grands moment
du rôle ("Va, Tosca", "Ha più forte sapore", "Già mi
dicon venal ") sont douloureux. Sic transit gloria mundi, hélas,
trois fois hélas... Quant au choix des seconds rôles, il laisse
sans voix, comme eux d'ailleurs, qui nous gratifient d'un festival de ë'non-chant''
absolu.
L'anglais Jeremy Silver reprenait la
tête de l'Orchestre National de Lorraine, qu'il avait déjà
mené au succès dans Les Huguenots en juin dernier. On a retrouvé
avec enthousiasme sa direction énergique et spectaculaire et un
orchestre en grande forme. Le seul reproche qu'on puisse lui faire est
de privilégier le dramatisme de la partition et de refuser l'abandon
des moments de pur lyrisme, comme le duo Tosca-Mario du 1er acte.
Au final, une soirée honnête
mais qui ne marquera pas les esprits. Le public a fêté dignement,
sans enthousiasme excessif, tous les protagonistes. Metz a-t-il décidé
de renouer avec l'opéra traditionnel et un peu routinier de grand-papa
?
Michel THOME