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Mireille Delunsch

La Tragédienne

Henri Duparc (1848-1933)
1. L’Invitation au voyage
2. Romance de Mignon
3. Chanson triste
François Kerdoncuff, piano
(Enregistrement : Luxembourg, septembre 1999)

Ernest Bloch (1880-1959)
4. Prélude
5. Psaume 114
6. Psaume 137
Orchestre Philharmonique du Luxembourg – Direction David Shallon (Enregistrement : Luxembourg, septembre 1999)

Louis Vierne (1870-1937)
7. Spleens & détresses : À une femme
8. Spleens & détresses : Le Son du cor
9. Spleens & détresses : Marine
François Kerdoncuff, piano
(Enregistrement : Bordeaux, juillet 1997)

10. Poème de l'amour, op. 48 : Brumaire : Sonnet d’automne
11. Poème de l'amour, op. 48 : Brumaire : Les Sorcières
12. Poème de l'amour, op. 48 : Brumaire : Air retrouvé
13. Poème de l'amour, op. 48 : Brumaire : Le Bateau noir
François Kerdoncuff, piano
(Enregistrement : Vincennes, décembre 2004)

Joseph-Guy Ropartz (1864-1955)
Le Pays, opéra
14. Acte II, scène 2 : Ballade de Kæthe
15. Acte III : 2e Tableau (fin de l’opéra)
Gilles Ragon, ténor – Olivier Lallouette, baryton
Orchestre Philharmonique du Luxembourg
Direction Jean-Yves Ossonce
(Enregistrement : Luxembourg, avril 2001)

Timpani Records - 1C1100
Durée : 63’11




L'Invitation au Voyage


Les débats passionnés qu’elle provoque en témoignent, Mireille Delunsch ne laisse pas indifférent. Violetta à Aix-en-Provence, Amelia à Tours ou Pamina à Paris, autant de rôles, autant de polémiques. Et l’Elsa de Lohengrin qui se profile la saison prochaine à La Bastille fait déjà grincer les forums en ligne. Le seul point sur lequel s’entendent détracteurs et admirateurs reste l’engagement dramatique, ce talent de tragédienne dont s’empare Timpani Records pour baptiser son dernier opus.

Outre son effet pacificateur, ce titre permet de donner un semblant d’unité à une composition un peu disparate. Car il ne s’agit pas ici d’un récital en tant que tel mais d’une compilation d’enregistrements réalisés entre 1999 et 2004, dans des circonstances et des univers assez différents. Du climat romantique et douloureux des mélodies d’Henri Duparc aux transports impétueux de l’opéra de Joseph-Guy Ropartz, Le pays, de l’intimité raffinée du piano seul aux luxuriances symphoniques de l’orchestre post-wagnérien, le paysage défile contrasté. Trop ! L’écoute se trouble à voyager ainsi d’une contrée à une autre.

Les pièces de Duparc, plus familières, permettent de débuter le périple dans les meilleures conditions. On apprécie le sens du phrasé de la soprano, la fluidité et le naturel de son dialogue avec le pianiste, François Kerdoncuff très concentré et, de manière plus inhabituelle, la séduction qui se dégage du timbre. Nous sommes en 1999 ceci explique peut-être cela.

Les psaumes d’Ernest Bloch, enregistrés la même année, ne relèvent pas du même hédonisme musical et vocal ; le 114 surtout commence à trahir les duretés et les inégalités de registre. Les élans du 137 débordent les moyens de la cantatrice. L’ensemble au final ne convainc pas vraiment.

Par un effet d’alternance, on retrouve avec les trois extraits du cycle Spleens & détresse de Louis Vierne une ambiance plus confidentielle et on atteint, dans le même temps, l’un des sommets du disque : la voix resplendit sous le souffle brûlant de « A une femme », se nimbe de poésie dans « Le son du cor » et conclut avec fièvre par une « Marine » haletante. Les poèmes de l’amour du même compositeur s’avèrent plus éprouvants. Les âpretés du timbre écorchent. Un sentiment de monotonie s’installe et avec lui, l’ennui.

L’arrivée au pays est accueillie avec plaisir. Le théâtre reprend ses droits dans un climat passionné jusqu’à l’exaltation. Les deux fragments présentés ici appartiennent à l’intégrale publiée en 2001. Gilles Ragon campe un Tual désemparé et fougueux dont la prononciation du français est la première des qualités. Par comparaison, la diction de Mireille Delunsch montre ses limites. A défaut de clarté, l’investissement est exemplaire et justifie à lui seul ce fameux qualificatif de tragédienne.

Au-delà de l’interprétation, on l’aura compris, l’intérêt de ce disque réside en premier lieu dans la découverte d’un répertoire qui, Duparc excepté, demeure largement inexploré. Mais cette musique exigeante demanderait, pour être mieux appréhendée, quelques explications. Le livret d’accompagnement, hélas, se contente d’un seul texte signé André Tubeuf, d’un lyrisme ardent comme toujours mais un peu confus et finalement assez vain. Une présentation des compositeurs et de leurs œuvres, un témoignage de l’artiste auraient été autrement instructifs. Pour en savoir plus, il faudra, comme à l’habitude, se référer à son magazine préféré.


   Christophe RIZOUD

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