C O N C E R T S
 
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PARIS
28/03/2007
 
Pavol Breslik (évangéliste)
© MSM Ltd / Kämpf

Johann-Sebastian BACH (1685 – 1750)

La Passion selon saint Jean

 (BWV 245 - 1724)

Mise en scène, décors,
lumières et chorégraphies, Robert Wilson
Costumes, Frida Parmeggiani
Dramaturge, Ellen Hammer

Jésus, Luca Pisaroni
L'Évangéliste, Pavol Breslik
Soprano, Emma Bell
Alto, Andreas Scholl
Ténor, Finnur Bjarnason
Basse, Christian Gerhaher
Pilate, Simon Kirkbride
Saint Pierre, Richard Savage
Saint Jean, Benoît Maréchal
Servus, Jeremy Budd
Ancilla, Aurore Bucher

Création et interprétation des solos de danse, Lucinda Childs

Orchestre et chœur du Concert d’Astrée
Chef de chœur, Denis Comtet

Direction musicale,
Emmanuelle Haïm

Théâtre du Châtelet, Paris,
le 28 mars 2007 à 19h30

 
Une Passion sans ennui, mais sans feu

Peu importe le sujet, la recette ne change pas : plateau nu, lumières bleutées, costumes japonisants, silhouettes à l’allure égyptienne qui glissent lentement plus qu’elle ne marchent... Années après années, les grandes figures lyriques, revues et corrigées par Bob Wilson, défilent sur les planches parisiennes, toutes identiques. Sarastro, Pinkerton, Wotan hier et Pilate aujourd’hui, même dégaine, mêmes gestes, même combat ! Reste juste à savoir si ça marche  - Madama Butterfly, L’Or du Rhin - ou si ça ne marche pas - Die Zauberflöte, Pelléas et  Mélisande, La Walkyrie, La femme sans ombre ...


© DR

Dans le cas de La Passion selon Saint-Jean, le système fonctionne à peu près. L’œuvre n’a pas été conçue pour le théâtre mais sa nature autorise une mise en scène - les airs qui la jalonnent ressemblent d’ailleurs à des airs d’opéras – avec cependant le risque de pléonasme qu’engendre la force visuelle de la musique, à travers le personnage de l’Evangéliste notamment. La scénographie de Bob Wilson joue suffisamment de l’abstraction pour ne pas tomber dans ce piège ; abstraite mais néanmoins lisible et fidèle au propos. Comme toujours, la beauté de certaines images, magnifiées par l’éclairage, s’impose. D’autres scènes, la mort du Christ notamment, paraissent moins réussies. L’ampleur du drame se heurte alors aux limites du procédé. Tout comme semble limité l’effet des morceaux de bois qui flottent dans l’air à l’arrière du plateau en s’acharnant jusqu’au bout à ne pas former une croix. Le metteur en scène, en refusant d’utiliser un symbole trop évident, a-t-il voulu ne pas céder à la facilité ou alors, dans un souci de syncrétisme, retirer à La Passion sa dimension chrétienne ? On gardera la première hypothèse, le contresens serait sinon trop flagrant.

Après une première partie hésitante – les « Herr » du chœur introductif sonnent plus douloureusement qu’à l’habitude - Emmanuelle Haïm et ses camarades du Concert d’Astrée retrouvent leurs marques jusqu’à délivrer un « Ruht wohl, ihr heiligen Gebeine » d’une belle harmonie. Le parti pris n’est pas celui de l’emphase, dramatique ou mystique, mais plutôt celui du récit, suffisamment vivant pour que le spectacle s’écoule sans ennui.


Lucas Pisaroni (Jésus)
© DR

Sans ennui mais sans feu. Il revient alors aux interprètes d’ajouter le supplément d’âme qui fait de La Passion selon Saint-Jean l’un des sommets de la musique sacrée. Mission accomplie pour l’Evangéliste de Pavol Breslik qui, transporté par l’éloquence du continuo, délivre un chant d’une grande lumière, expressif et pur à la fois. Le Jésus de Lucas Pisaroni se remarque plus par l’apparence, superbe, que par la voix – la partition ne lui réserve finalement que peu de répliques.

Parmi les solistes, on regrette que les interventions de Finnur Bjarnason, ténor un peu anguleux, et Christian Gerhaher, basse à l’accent trop figé, ne soient pas plus habitées. On préférera s’attarder sur les intercessions d’Emma Bell, soprano à la chair brûlante et on retiendra, par dessus tout, le timbre radieux d’Andreas Scholl qui, après un « Von den Stricken meiner Süden » à court de projection, délivre un « Es ist Vollbracht » miraculeux, du moins dans le premier mouvement quand la magie des couleurs rejoint la luxuriance de l’ornementation. L’allegro, en revanche, expose à nouveau le manque de puissance.

Au final, le public applaudit avec chaleur mais sans excès. Soir de première oblige, les représentations à venir permettront ajustements et mises au point mais n’empêcheront pas que le spectacle, dans son ensemble, manque paradoxalement de passion.


Christophe RIZOUD

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