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Entretien
Le
public français commence à mieux vous connaître
depuis vos débuts à Aix, au Théâtre
des Champs Elysées, et depuis cet automne à
l’Opéra de Paris. Quelques questions toutefois sur votre
parcours. Vos parents étaient musiciens. A Riga, vous avez
« baigné » dans un milieu artistique ?
Mon père était effectivement chef d’orchestre et ma
mère mezzo-soprano, très tournée vers le Lied
et j’ai pu grâce à eux découvrir très
jeune la musique classique. Ils m’ont poussée à
acquérir une éducation musicale et ma mère a
décidé de me faire apprendre le piano, ce que j’ai
fait pendant une dizaine d’années sans jamais
éprouver de passion pour cet instrument. Ensuite, quand ma
mère a arrêté de chanter pour des motifs de
santé, elle s’est mise à enseigner l’art
dramatique et j’ai baigné dans cette ambiance.
Après l’école, j’allais immédiatement
au théâtre où j’assistais aux enseignements,
aux répétitions. J’ai même fait mes
débuts sur scène, à six ans, à la fin
d’une représentation de la pièce de Mark Twain
« Le Prince et le Pauvre », en chantant un air enfantin qui concluait le spectacle.
Vos projets initiaux étaient de devenir actrice de théâtre ?
Oui, absolument. A l’âge de 14 ou 15 ans,
c’était mon ambition, mais je n’ai pas réussi
à entrer à l’Ecole d’art dramatique. La
raison officielle était que j’étais trop
grande ; la raison non officielle, c’est que je
n’avais pas de talent ! J’ai pensé
m’orienter vers le music-hall. J’aime bouger, j’aime
danser, les beaux costumes. Cats, Les Misérables,
j’aime tout ça. Le problème, c’est
qu’en 1991, il n’y avait rien en Lettonie. Il fallait se
rendre dans les pays scandinaves ou en Estonie. Mes parents ont
pensé que c’était trop dangereux pour moi. Alors,
j’ai envisagée de m’occuper de management culturel,
d’organisation de manifestations culturelles… mais je ne
suis pas très douée pour l’organisation. On a
beaucoup réfléchi et discuté, pendant toute une
soirée, je me rappelle. Et le lendemain, j’ai
décidé de devenir chanteuse d’opéra.
L’opéra faisait partie de votre « paysage musical personnel » depuis votre enfance ?
Pas vraiment. Parfois je mettais des disques à la maison, y
compris ceux de Joan Sutherland, mais c’était plus pour
danser et bouger que pour chanter. Je ne me suis jamais tellement
préoccupée de ma voix. Et la première fois que je
suis allée à l’opéra, c’était
dans le cadre général de ma formation musicale,
j’avais neuf ans et j’ai vu Tannhäuser…
une expérience épouvantable ! Et puis, on ne
connaissait pas beaucoup les chanteurs étrangers à
l’époque. On connaissait Irina Arkhipova ou
« la » Vishnievskaïa et c’est tout. On
ne connaissait pas le baroque, à part peut-être Alcina de Haendel ; on connaissait mal Mozart : Don Giovanni, La Flûte enchantée…
on considérait que les chanteurs mozartiens, incapables de
chanter Verdi ou Puccini, étaient ceux qui n’avaient pas
de voix ! J’ai commencé à écouter
sérieusement de l’opéra quand je me suis mise
à travailler ma voix. Je me rappelle notamment la collection
impressionnante de disques d’une personne chez qui je travaillais
et grâce à elle j’ai découvert la richesse de
l’opéra, des chanteurs comme Vesselina Kasarova, et
même la diversité des maisons de disques car en Lettonie,
on ne connaissait que la Deutsche Grammophon, à cause de Karajan.
A quel moment avez-vous découvert que vous aviez une voix?
Tard en fait ! Je n’ai jamais beaucoup chanté quand
j’étais petite. Je suivais mes leçons de piano et
surtout je m’occupais de théâtre. De fait, quand
j’ai évoqué l’idée de devenir
chanteuse lyrique, ma mère m’a dit que je n’avais
sans doute pas la voix pour cela. On a beaucoup pleuré toutes
les deux… Quand j’ai commencé avec elle, vers 17
ans, j’avais une quinte et guère plus. Mais je lui ai dit
que je voulais vraiment essayer.
A-t-il toujours été évident que vous aviez une voix de mezzo-soprano ?
En 1996, quand je suis allée pour la première fois en
Italie, pour suivre une série de cours, je me suis
présentée avec… un des airs de la Reine de la
nuit, avec les notes piquées jusqu’au contre fa !
Mais ce fut la seule fois. J’aurais pu sans doute devenir
soprano. Pas soprano léger, mais soprano dramatique
peut-être. J’ai même enregistré l’air de
Fiordiligi dans mon premier CD Mozart. Mais c’est
différent de chanter un air par ci- par là et de chanter
tout un rôle. Je pourrais chanter sans problème
« Mi chiamano Mimi »… mais pas La
Bohème, et notamment le duo de la fin du premier acte qui est
beaucoup trop tendu.
En outre, plus j’avance, plus la voix devient ronde et
« sombre » et je crois que c’est conforme
à ce que je ressens : je suis très heureuse comme
mezzo-soprano et ma voix produit le meilleur d’elle-même
dans ce registre. Je peux monter haut, c’est vrai, mais ça
n’est pas si facile même si je suis heureuse que cela le
paraisse ! Une mezzo doit avoir un bel aigu, pour Adalgisa,
Giovanna Seymour ou Eboli et Santuzza. Si vous voulez un beau si ou si
bémol, vous devez avoir un ut facile. Je ne suis pas contralto
ou alto, ça, c’est clair. En plus, comme actrice, je
trouve le répertoire et les possibilités
créatrices d’une mezzo beaucoup plus intéressants.
Revenons à votre parcours. Vous avez ensuite suivi la formation à l’Académie de Riga.
Oui, après six mois de leçons avec ma mère,
j’ai préparé l’examen d’entrée
à l’Académie de Riga. Et là, en deux ans, un
jeune qui a une voix peut acquérir tout ce qu’il faut pour
devenir un vrai chanteur. Comme j’avais toutes les bases
musicales, j’ai pu me concentrer sur la voix et développer
approximativement une octave et demie, du ré au fa dièse.
A partir de là, le cœur du registre était
construit, je l’ai juste élargi, vers le grave et vers
l’aigu. L’Académie donnait aussi la
possibilité de suivre des master classes avec des professeurs
étrangers. C’est dans ce cadre que j’ai
rencontré Irina Gavrilovici, une enseignante roumaine qui vivait
à Vienne et qui m’a proposé de travailler avec elle
pour préparer les concours internationaux. A ce moment,
j’avais bien deux octaves de solides, mais elle ne
considérait pas que je deviendrais nécessairement une
chanteuse de premier plan.
Les concours ont été une étape essentielle pour le démarrage de votre carrière ?
Oui, Irina m’a préparé d’abord au concours de
Belvedere en Autriche, en 1998 où je suis parvenue en
demi-finale. Il y avait là Christine Mielitz, intendante du
Südthüringischer Staatstheater de Meiningen (Allemagne) et le
chef Kirill Petrenko, qui m’ont proposé
d’auditionner en 1999 pour leur théâtre. Je
n’avais pas encore terminé ma formation mais il a fallu
que je me jette à l’eau et ils m’ont engagée.
J’ai terminé ensuite ma formation à
l’Académie de Riga et passé d’autres concours
comme le « Miriam Helin » d’Helsinki, que
j’ai gagné en 1999. J’ai pris un agent et il
m’a envoyé auditionner à l’opéra de
Francfort. J’ai travaillé dans la troupe pendant 2 ans.
J’ai aussi été finaliste au concours de Cardiff
« Singers of the world » en 2001.
A ce moment là, mon agent m’a dit que le directeur de la
Staatsoper de Vienne, Ioan Holender, recherchait une mezzo soprano.
J’ai d’abord pensé qu’il était trop
tôt pour auditionner à Vienne, surtout que
j’étais très heureuse à Francfort. Et puis,
j’ai pensé qu’il fallait y aller. Et M. Holender
m’a recruté pour chanter Charlotte. Tout s’est
ensuite accéléré.
Votre répertoire
actuel est extrêmement large, du baroque à Richard
Strauss, en passant par Rossini et la musique française. Un mot
sur cet enregistrement de Bajazet. Envisagez vous de poursuivre ces expériences dans la musique baroque ?
Cet enregistrement de Bajazet, je ne voulais pas le faire ! Mais
Fabio Biondi a tellement insisté ! Il m’a
donné une semaine en me faisant promettre que je regarderais la
partition chaque jour au moins 20 minutes. C’est ce que
j’ai fait, et il m’a convaincue. C’est une
très belle expérience, au final. Mais je ne me
considère pas comme une chanteuse baroque.
Je reçois pas mal de propositions, dans Haendel notamment. Mais
je ne me sens pas à mon aise dans ce répertoire. Je
n’ai pas la voix pour cela. La couleur de ma voix, sa ligne, ma
capacité à chanter des passages
« colorature » ne sont pas les bonnes pour le
baroque et mes caractéristiques conviennent bien mieux au bel canto.
Je n’ai de toutes façons pas la voix d’une mezzo colorature comme Cecilia Bartoli ou Vivica Genaux ou Joyce di Donato.
Chacune ses particularités ! Cecilia Bartoli ne chantera
jamais Amnéris, je pense. Moi, j’espère que je le
ferai et que ce sera « mon » rôle dans
10 ou 15 ans ! Enfin, pour être honnête, je n’aime
pas beaucoup le son des orchestres baroques. Je préfère
les instruments modernes. Les instruments d’époque sont
sans doute amusants, plus confortables pour les chanteurs car ils sont
plus bas, mais je préfère vraiment m’appuyer
sur un orchestre moderne.
Votre nouveau CD manifeste un goût pour l’Espagne, avec notamment un air tiré des Filles de Zébédée de Ruberto Chapi et le premier air des Bachianas brasileiras de Villa-Lobos. D’où vient cet intérêt ?
C’est une passion qui remonte à mon enfance, sans doute très précisément au film Carmen
de Rosi avec Julia Migenes. Elle incarnait une forme de
sensualité, de jeu qui m’a vraiment
intéressée. Elle « était »
Carmen. Ma mère m’a aussi fait découvrir cet
opéra et d’autres compositeurs espagnols, dont les
compositions étaient toujours extrêmement rythmées.
J’ai découvert le flamenco, aussi. Pour moi le flamenco,
c’est de la passion extrêmement forte, une sorte de volcan
intériorisé, de sensualité sous contrôle et
j’aime ça.
J’ai assisté à plusieurs concerts de Placido
Domingo, Alfredo Kraus, Victoria de Los Angeles, Teresa Berganza ou
José Carreras qui interprétaient des airs de zarzuelas.
Aujourd’hui, on s’intéresse peu à ce
répertoire et c’est dommage.
Dernier motif d’intérêt pour l’Espagne…
mon mari, qui a grandi à Gibraltar ! Il m’a beaucoup
aidé, par exemple pour préparer une soirée
d’airs de zarzuelas pour laquelle il m’avait proposé
une quantité invraisemblable d’airs différents.
J’ai lu la musique, travaillé certaines pièces et
ce répertoire est d’une richesse incroyable. Et si
difficile ! C’est la même chose que
l’opérette viennoise : on méprise quand on ne
connaît pas. Mais pour bien chanter la zarzuela,
dans le bon style, il faut surmonter de grandes difficultés.
Souvent les orchestres rechignent à faire des
répétitions pour les airs de zarzuelas, avant de
réaliser la difficulté de cette musique. En concert, ces
airs marchent vraiment bien ! Il faut savoir composer un programme
et souvent des airs de zarzuelas apportent une touche inattendue que le
public adore.
Quel jugement portez-vous sur le « cross-over » ?
Je sais que les disques de cross-over sont critiqués. Mais il
faut se rendre compte d’une chose : la vie des chanteurs
lyriques est très dépendante des choix des autres, des
directeurs de théâtre, de leurs agents, du chef
d’orchestre, etc. Dans ce contexte, je comprends parfaitement
qu’une Anne Sofie Von Otter, dont la carrière est
d’une très grande richesse, se fasse plaisir, par exemple
en chantant Abba. Si
quelqu’un venait me voir avec un projet sérieux de
comédie musicale, avec un metteur en scène et une
équipe de qualité, j’accepterais probablement de
relever le défi ! Nous sommes des artistes, avec une vie de
travail vraiment rigoureuse et contraignante. Si, pendant deux mois, on
peut se faire plaisir avec un projet de ce genre, où est le mal
?
Pour revenir à l’opéra, vous abordez Carmen cette année, à Riga (7-16 octobre).
Oui, je débuterai dans Carmen dans « mon »
théâtre. J’espère que ce rôle restera
longtemps dans mon répertoire et pour ces débuts, je veux
mettre le maximum de chances de mon côté. Je veux
connaître le metteur en scène, le chef d’orchestre
et l’équipe artistique. Dans ces conditions, j’aurai
toute liberté pour aborder le rôle comme je
l’entends.
Comment envisagez vous votre répertoire dans les années qui viennent ?
Je vais m’investir en particulier dans le bel canto. Rossini,
Donizetti et Bellini ont écrit des choses magnifiques pour mon
genre de voix. Pour Rossini, il y aura sans doute beaucoup de Cenerentola et l’Italienne même si ce dernier rôle est très grave. Pour le reste, j’adore Anna Bolena ou Maria Stuard, et Les Capulets et les Montaigus. Mais ces œuvres ne sont pas programmées très souvent par les théâtres.
Petit à petit, je pense évoluer vers un répertoire
plus lourd, avec Eboli par exemple. J’aimerais beaucoup faire
Cassandre ou Didon des Troyens, Cendrillon de Massenet. Le rôle de mes rêves, c’est Amnéris.
Et Dalila ?
J’aimerais en effet même si je sais que l’on dit
qu’il y a deux sortes de mezzo dramatiques : les
premières chantent Dalila, Ulrica… les autres Eboli,
Amnéris… et il est difficile d’être
convaincante dans les deux types de rôles. Alors, on verra.
Et du côté du Lied ?
Je travaille les Lieder, mais
à ce moment de ma carrière, outre l’opéra,
je suis plutôt tournée vers la musique orchestrale.
Chanter en s’appuyant sur 60 ou 70 instruments de
l’orchestre est un sentiment extraordinaire dont je ne me lasse
pas. J’aimerais d’ailleurs chanter Sheherazade, Les Nuits d’été, certaines pièces d’Alban Berg comme les Sieben frühe Lieder ou encore les Quatre derniers Lieder de Strauss. Le seul problème des récitals de Lieder
avec piano, c’est que leur préparation est exigeante et
que cela ne vaut la peine que si une série de soirées est
organisée à travers l’Europe. Sinon, une seule
soirée, c’est frustrant ! Et aucun
théâtre ne programme de telles soirées avec
suffisamment d’avance pour qu’elles puissent
s’insérer facilement dans mon planning, où les
productions d’opéra s’enchaînent. Et entre ces
spectacles, il me faut tout de même du temps pour travailler et
apprendre les nouveaux rôles. On verra plus tard. Je ferai
peut-être comme certains collègues qui, fatigués
d’enchaîner les productions, consacrent quelques mois
à des soirées de Lieder.
Un mot sur les metteurs en
scène. Vous avez travaillé avec des metteurs en
scène comme Chéreau ou Andrei Serban. Qu’avez-vous
retenu de ces expériences et vous sentez-vous plus à
l’aise avec les metteurs en scène peut-être plus
traditionnels ?
Je n’ai aucun problème ni avec les uns, ni avec les
autres. Les seules difficultés que je rencontre, c’est
avec les gens qui ne connaissent pas la musique. Souvent, les metteurs
en scène qui viennent du monde du théâtre abordent
l’opéra comme une pièce dramatique. Ils travaillent
leur mise en scène sur le texte du livret et pas sur la musique
dont ils ne tiennent pas compte ! Et certains metteurs en
scène qui ne lisent pas la musique ne font même pas
l’effort d’écouter, de ré-écouter
encore et encore, l’œuvre qu’ils sont sensés
diriger. Moi, quand j’arrive aux répétitions, je
suis prête : j’ai travaillé avec un
répétiteur et je connais ma partition par cœur. Et
je constate que, parfois, les metteurs en scène ne se comportent
pas en professionnels. Et ça, ça
m’énerve ! Je déteste faire quelque chose sur
scène juste parce que quelqu’un m’a dit de le faire.
Il faut que je comprenne… sinon, le public voit que c’est
artificiel.
Vos expériences en France, à Aix, à Garnier et à Bastille vous ont-elles satisfaites ?
Oui, tout à fait. Pour Bastille, c’était une
expérience particulière car j’ai remplacé au
pied levé une collègue défaillante dans Le Chevalier à la Rose.
Je n’aurais d’ailleurs pas accepté si je ne
connaissais pas vraiment bien le rôle d’Oktavian. Mais
c’est étrange : à Paris, tout le monde me
demande si j’ai aimé chanter à Bastille ! Je pense
que le public et les chanteurs « vivent »
très différemment cette salle. Moi, j’aime les
grandes salles modernes. J’étais habituée à
celle de Francfort, dont l’acoustique est moins bonne
qu’à Bastille ; j’ai chanté à
Tokyo… Tout est question de projection et si vous vous
écoutez, c’est déjà trop tard ! Le
problème est le même dans une grande et dans une petite
salle !
Vous débuterez aussi en 2007 au Métropolitan Opera de New York.
Oui, en décembre pour Rosina. Je suis très curieuse de
chanter aux Etats-Unis. Mon agent m’a programmé presque
six mois hors d’Europe, avec notamment des productions à
Los Angeles et San Francisco. J’avoue que j’aime bien me
savoir pas trop loin de la maison, de mes parents, de mes amis ou de
mon mari. Là, ça sera plus compliqué. On verra
bien. C’est vrai qu’aujourd’hui, je me sens vraiment
européenne y compris pour ma carrière.
Des projets parisiens ?
Il y a le concert du 13 février 2007 au Théatre des
Champs Elysées avec Mariss Jansons et l’orchestre du
Concertgebouw d’Amsterdam, où nous interpréterons
les Folksongs de Berio. Nous discutons avec le directeur du TCE, Dominique Meyer, pour reprendre Cenerentola dans
la mise en scène d’Irina Brook, en 2009, il me semble,
avec un projet de DVD pour la Deutsche Grammophon. Pour
l’Opéra national de Paris, j’ai rencontré
Nicolas Joël et j’espère qu’il y aura des
projets communs. Je pense aussi qu’il y aura des occasions de
revenir pour des concerts, comme la Missa solemnis
que nous avons donnée l’an dernier avec l’Orchestre
national de France et Kurt Masur. Le public français a toujours
été très accueillant et je le retrouverai avec
plaisir.
Pour conclure, une
question plus personnelle : quel regard portez vous sur votre
métier, sur les conditions de travail et de vie des artistes
lyriques ?
Il faut vraiment savoir ce que l’on veut faire de sa vie et les
motifs profonds de ses choix. Si un artiste a pour seul objectif de
devenir célèbre et riche, s’il veut uniquement,
profondément, devenir Violetta, ou Rigoletto, ou
Amnéris… alors, il doit faire ses choix et la famille,
les enfants, les amis, ne vont sans doute pas compter beaucoup pour
lui.
Moi, je prends les choses simplement. Je suis une femme ; chanter
est mon métier et ma passion ; je sais bien,
qu’à certains moments, je devrai faire des choses dont je
n’aurai pas nécessairement envie, mais c’est ainsi.
C’est aussi pourquoi il faut savoir établir une
frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle, et
se retrouver soi-même avec ses proches. Les gens doivent
respecter cela ! C’est peut-être une manière
très égoïste de penser mais c’est une question
de survie.
Quelle réflexion vous inspire l’affaire Alagna ?
Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé, mais je
comprends sa réaction ! Je n’ai jamais
été sifflée et j’espère que cela me
sera épargné, mais je sais que c’est possible. Vous
ne pouvez pas être aimée de tout le monde, c’est
normal et cela fait partie du jeu. Il faut l’accepter. Pour
Roberto Alagna, je ne dis pas qu’il a eu raison de partir, mais
je le comprends. Sur la scène, il y a une pression
incroyable ; vous êtes nu.
Pour conclure, je vous propose de répondre au questionnaire de Proust.
Quelle est la qualité personnelle que vous préférez ?
La patience. Je ne suis pas sûr d’en avoir suffisamment, d’ailleurs !
La qualité que vous préférez chez un homme ?
L’honnêteté… la fidélité.
Celle que vous appréciez le plus chez une femme ?
Ouh, question difficile ! On va dire : la féminité.
Votre principal défaut ?
L’impatience !
Votre occupation favorite ?
A part chanter, évidemment ? La plongée sous-marine.
Votre idée du bonheur ?
Des vacances au bord de la Méditerranée.
Quel serait votre plus grand malheur ?
La frustration.
Ce que vous voudriez être ?
J’aimerais beaucoup être un animal. Un cheval, une vache ou
un oiseau peu importe, mais j’aimerais savoir, par exemple, ce
qu’un oiseau a en tête le matin, quand il se
réveille.
Où aimeriez vous vivre ?
Je suis très heureuse à Vienne !
Votre couleur préférée ?
Ca change souvent ! En ce moment, c’est le noir.
Votre fleur préférée ?
J’aime le lys.
Votre auteur en prose ?
Un écrivain letton, Alexandrs Čaks (1).
Votre héros de fiction favori ?
J’aime le Comte de Montecristo.
Votre héroïne favorite ?
Pas facile… Mary Poppins, peut-être !
Vos héros dans la vie réelle ?
Disons que j’ai de l’admiration pour Bill Clinton.
Votre peintre favori ?
Van Gogh.
Votre musicien préféré ?
Ca change aussi ! Disons Mozart et Richard Strauss.
Quel personnage dans l’histoire vous est le plus détestable ?
Hitler.
Votre boisson et met préféré ?
Le champagne et le chocolat !
Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ?
L’incompréhension.
Votre devise ?
Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas que l’on te fasse.
Propos recueillis par Jean-Philippe Thiellay
15 Décembre 2006
(1)
Alexandrs Čaks (Riga, 1901 – Riga, 1950), pseudonyme de
Aleksandrs Janisovitch Čadarainis. Œuvres : Un cœur
sur le trottoir, 1928 ; Mon paradis, 1932 ; L’Ange du
comptoir, 1935 ; Miroirs des fantaisies, 1938 ; Mūžības
Skartie [Touchés par l’éternité]
(1937-1939), Patriotes, 1948 ; À la lutte et au labeur, 1951.
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